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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Tannhaüser au théâtre du Châtelet, Paris.
Tannhaüser les yeux fermés
Absent de la scène parisienne depuis vingt ans, Tannhaüser a fait son grand retour au théâtre du Châtelet, dans une nouvelle production schématique mais musicalement exaltante, grâce notamment à une distribution de très haut niveau à faire rougir Bayreuth. L'occasion ou jamais d'aller à l'opéra les yeux fermés.
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Après vingt ans d'absence sur la scène parisienne, Tannhaüser fait son grand retour au théâtre du Châtelet, et chacune des six représentations aura été prise d'assaut par un public enthousiaste et fervent. Pour une fois, les wagnérophiles qui n'ont pu se procurer qu'une place sans visibilité n'auront pas manqué grand chose à une mise en scène quasi inexistante. Dans une scénographie à quatre sous, aux décors minimaux – une sphère rouge émergeant du plancher incliné pour le Vénusberg, un cube évidé pour la salle du tournoi –, la mise en scène d'Andreas Homoki, passablement datée, ne retient de Tannhaüser que la thématique chère aux années 1970 de l'artiste luttant contre l'incompréhension de la société – un Tannhaüser au piano tel ce bon vieux Richard aux prises avec des muses avares. Un jeu de scène très convenu et un dénouement grotesque – Tannhaüser et Elisabeth en pleine santé, filant comme au Vénusberg main dans la main – enterrent définitivement cet exercice pseudo-intello et ennuyeux. En comparaison, la très modeste mise en espace des Maîtres chanteurs en version de concert à Bastille en novembre dernier s'était avérée plus vivante et théâtrale. Un comble !
En revanche, abstraction faite du visuel, ce nouveau Tannhaüser a vraiment tout pour plaire, à commencer par une distribution qui ferait presque honte à Bayreuth, où dans la même oeuvre on affiche en ce moment un plateau indigent. L'inépuisable Peter Seiffert semble aujourd'hui sans concurrence dans le rôle-titre : la facilité d'émission – les couplets du I –, l'endurance phénoménale – le récit de Rome –, la beauté de timbre et la puissance servent idéalement un rôle trop souvent massacré par des « baryténors » écarlates qui s'époumonent. La soprano viennoise Petra Maria Schnitzer (Frau Seiffert à la ville) est une Elisabeth radieuse, au timbre débordant de féminité et de jeunesse, à l'émission souple et agile, dotée d'un bel éventail dynamique – superbe présence dans les ensembles pourtant épuisants de la fin du II. La soprano campe une Elisabeth prête à l'éveil à la sensualité, loin de toute frigidité, sans les menues réserves de son Elsa bayreuthienne de l'été dernier.
En Wolfram, Ludovic Tézier renoue avec un rôle qui a fait beaucoup pour sa renommée. La beauté de timbre, la maîtrise d'une déclamation ouvertement « Liedersänger », le legato sont tout simplement souverains, occasionnant une très belle Romance à l'étoile. Enfin, le Roi Hermann trouve en Franz Josef Selig un interprète idéal, dont la noblesse, la franchise d'émission et les graves forcent l'admiration. Seule ombre au tableau, la Vénus au timbre plutôt beau mais à l'émission grossie et au vibrato envahissant d'Ildiko Komlosi.
Dans la fosse, Chung donne de la version parisienne de 1861 une lecture impétueuse jusqu'à l'échevelé – entrée et choeur des chevaliers au II, évocation de la damnation dans le récit de Rome, dernier choeur du III – que ne restitue que grossièrement un orchestre de Radio France en petite forme, perdu dans de multiples errances de mise en place et d'intonation dans les vents. Mais la lecture du chef coréen, en dépit de certains partis pris esthétiques comme un legato de cordes assez laid et collant dans le motif de l'hymne à Vénus, l'emporte par son énergie et sa puissance expressive.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 21/04/2004 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de Tannhaüser au théâtre du Châtelet, Paris. | Richard Wagner (1813-1883)
Tannhaüser, grand opéra romantique en trois actes (1845)
Livret du compositeur
Version parisienne de 1861
Choeur de Radio France
Orchestre philharmonique de Radio France
direction : Myung-Whun Chung
mise en scène : Andreas Homoki
décors et costumes : Wolfgang Gussmann
éclairages : Franck Evin
préparation des choeurs : Philip White
Avec :
Peter Seiffert (Tannhaüser), Petra-Maria Schnitzer (Elisabeth), Ildiko Komlosi (Vénus), Ludovic Tézier (Wolfram von Eschenbach), Franz-Josef Selig (le Roi Hermann), Katija Dragojevic (un jeune pâtre), Finnur Bjarnason (Walther von der Vogelweide), Robert Bork (Biterolf), Nikolai Schukoff (Heinrich der Schreiber), Nicolas Courjal (Reinmar von Zweter). | |
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