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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Leçons de Ténèbres de Couperin à l'Eglise Saint-Séverin, Paris.
Les belles ténébreuses
Illustration des lamentations du prophète Jérémie, les leçons de Ténèbres de François Couperin constituent l'une des oeuvres les plus périlleuses du répertoire baroque français. Hélène Le Corre et surtout Valérie Gabail en ont donné l'une des versions les plus aboutie au concert.
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Eglise Saint-SĂ©verin, Paris
Le 07/03/2000
Eric SEBBAG
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Chez Charpentier mais surtout chez Lambert et Couperin, les leçons de Ténèbres sont une sorte de mémoire de l'art de la monodie et du plain-chant. Surchargées d'ornements et de mélismes, ces oeuvres ne sont pas sans évoquer les styles vocaux venus d'orient. Ce n'est évidemment pas sans à propos car les textes prophétiques évoquent le destin du phare oriental de la chrétienté : Jérusalem. De plus, si les versets sont psalmodiés-déclamés-chantés (il n'y a de terme pour condenser ces trois-là ) en latin, ils sont chacun identifiés par une lettre de l'alphabet hébreu. Les prédictions de Jérémie sont très sombres et c'est pourquoi la tradition était de moucher un cierge à chaque verset, jusqu'à ce que l'obscurité et les ténèbres envahissent une assemblée de courtisans venue se purifier de ses péchés et libations. Et quel plus beau destin musical que la purification par le chant ? Reste que la tâche des purificatrices est des plus ardues. Rendre ce difficile chant mélismatique suppose une agilité et surtout une souplesse jusqu'ici pratiquement introuvable. Comme dans les airs de cours contemporains, toute la difficulté consiste à garder une ligne intelligible dans une forêt d'ornements qui doivent couler aussi naturellement que possible. Valérie Gabail se révèle éblouissante dans cet exercice. Elle possède à la fois le sens des phrases, sait rendre les pires contorsions sans effort apparent et dispose de la puissance dramatique nécessaire pour creuser de sombres abîmes sous les pieds des auditeurs. Son duo avec Hélène Le Corre est d'une rare cohésion. Les frottements harmoniques sont restitués avec une acuité vertigineuse et l'on n'avait jamais entendu les vibratos se synchroniser en accélérant. Seule dans la deuxième leçon, Hélène Le Corre se crispe un peu et sa voix s'emprisonne un peu dans sa gorge. Il est des ténèbres qu'une si jeune femme n'est pas faite pour affronter seule. De son côté, le continuo de Christophe Rousset est sobre jusqu'à l'effacement, comme de coutume. On comprend néanmoins mal qu'il ait préféré enregistrer ces pièces avec Sandrine Piau et Véronique Gens pour Decca. Sans vouloir contester les qualités de ces deux interprètes, leurs voix désormais rompues à d'autres répertoires n'ont plus la souplesse et la ductilité nécessaire pour Couperin. Il reste donc à guetter la retransmission du concert sur Radio Classique.
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Eglise Saint-SĂ©verin, Paris Le 07/03/2000 Eric SEBBAG |
| Leçons de Ténèbres de Couperin à l'Eglise Saint-Séverin, Paris. | Valérie Gabail et Hélène Le Corre (sopranos)
Emmanuel Balssa (Viole)
Christophe Rousset (Orgue) | |
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