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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production du Chevalier à la Rose mise en scène par Robert Carsen au festival de Salzbourg 2004.
Salzbourg 2004 (5) :
Vienne au crépuscule
Angelika Kirchschlager (Octavian) et Miah Persson (Sophie).
Absent de Salzbourg depuis 1995, le Chevalier à la Rose fait à nouveau l'événement dans une mise en scène fastueuse et adroitement transposée dans les dernières heures de la Vienne éternelle. Après les défaillances de Semyon Bychkov et Angelika Kirchschlager, Peter Schneider et Sophie Koch viennent parachever une magnifique distribution.
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En transposant le Chevalier à la Rose en 1911, année de sa création, Robert Carsen ose une peinture sociale sans complaisance, à l'image de la Vienne au crépuscule d'Arthur Schnitzler. Dans l'ombre omniprésente du Maréchal, le monde marche tranquillement vers le gouffre de la première guerre mondiale, et de nombreux officiers envahissent régulièrement le plateau, qui examinant un masque à gaz, qui un fusil. La pertinence de la lecture du Canadien est troublante : alors que les personnages – tout comme le librettiste et le compositeur – se préoccupent de thèmes éternels tels que l'amour, le temps, la générosité, l'Histoire prépare un tournant qui laissera peu de place à ces considérations. On sent bien aussi dans l'arrogance de la suite du baron Ochs que l'âge de la force renverse peu à peu celui de l'honneur, à l'image de l'armée qui prend l'ascendant sur la noblesse.
Une scène au format cinémascope propose une vue en coupe des appartements de la Maréchale dans des tons rouges très chauds. Marie-Thérèse – qui ne paraît pas plus de trente-cinq ans, comme dans le livret – y batifole avec un Octavian adolescent dans une atmosphère visuelle très Belle Epoque. La fin luxueuse du premier acte prépare à merveille un deuxième acte somptueux, avec pas moins de soixante officiers en uniforme et Octavian à cheval, dans un immense salon au mur représentant une vaste peinture de Waterloo – la réplique d'Ochs « sommes-nous en France ? » en prend d'ailleurs un sens équivoque, et le docteur Freud écoute patiemment ses doléances.
Le troisième acte transpose habilement l'auberge dans un bordel structuré comme les appartements de la Maréchale, avec mur amovible et portes numérotées à l'avant-scène permettant d'alterner intérieur et extérieur des chambres, où l'on fornique allègrement dans tous les recoins. Maintes répliques du baron deviennent du coup savoureusement ambiguës – les prix de l'établissement, le passage en tenue d'Adam d'un client qui cherche sa montre. Octavian se travestit en prostituée étrangement ressemblante à la Maréchale et après une scène de foule virtuose pour la sortie d'Ochs, le calme revient. Puis à la toute fin, le décor disparaît dans les cintres, laissant apercevoir une armée en marche foudroyée sur le dernier accord, de laquelle ne réchappe que le vieux Maréchal.
L'Octavian de rêve de Sophie Koch
Dans le cadre d'une mise en scène qui fonctionne à cent pour cent, la distribution semble s'épanouir à merveille. Adrianne Pieczonka est une Maréchale belle et altière, à la bonté bien rendue par un timbre chaud et lumineux, un médium riche et bien timbré, un aigu solaire. Il ne lui manque que l'allègement du haut-médium pour se hisser au niveau des plus grandes. Succédant à la problématique Angelika Kirchschlager – inaudible à mi-parterre et aux aigus stridents –, Sophie Koch emporte l'adhésion en Quinquin, avec une présence juvénile et une émission parfaitement projetée, distillant des aigus irradiants avec la richesse de jadis ceux de Christa Ludwig. La ravissante Miah Persson campe une Sophie très spontanée, au timbre cristallin, aux multiples joliesses musicales, même si l'aigu est parfois détimbré. Dans la catégorie clé de fa, Franz Hawlata compose toujours un Ochs veule et grossier à souhait, très à l'aise dans le grave et les sauts de tessiture mais un peu limité dans l'aigu, tandis que Franz Grundheber est un Faninal de luxe.
Dans la fosse, les Wiener Philharmoniker dispensent une fois encore des sortilèges sonores – le velouté des cordes, des cors, le hautbois délicieux et suprêmement caractérisé. Après la direction à la truelle de Semyon Bychkov, qui en plus de lacunes stylistiques se payait le luxe d'écraser le plateau, la baguette fine et légère de Peter Schneider apparaît comme un bain de jouvence. Dans des tempi aussi vifs et une conception aussi théâtrale que son collègue russe, le chef allemand ose de magnifiques nuances, et réussit à finir le premier acte aux frontières du silence, là où son prédécesseur, dans une raideur cadavérique, dirigeait à la hussarde un solo de violon à la dynamique beaucoup trop élevée.
Après un changement de chef et d'Octavian salutaires, une magnifique production qui devrait faire date à Salzbourg.
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Großes Festspielhaus, Salzburg Le 23/08/2004 Yannick MILLON |
| Nouvelle production du Chevalier à la Rose mise en scène par Robert Carsen au festival de Salzbourg 2004. | Richard Strauss (1864-1949)
Le Chevalier à la Rose, comédie en musique en trois actes (1911)
Livret de Hugo von Hoffmannsthal
Association de Concert du Choeur de l'Opéra de Vienne
Orchestre philharmonique de Vienne
direction : Peter Schneider, Semyon Bychkov (14.08)
mise en scène : Robert Carsen
décors et costumes : Peter Pabst
éclairages : Robert Carsen, Peter van Praet
préparation des choeurs : Rupert Huber
Avec :
Adrianne Pieczonka (la Maréchale), Franz Hawlata (le Baron Ochs), Sophie Koch, Angelika Kirchschlager (14.08) (Octavian), Miah Persson (Sophie), Franz Grundheber (Fanninal), Ingrid Vilsmaier, Ingrid Kaiserfeld (14.08) (Marianne), Elena Batoukova (Annina), Jeffrey Francis (Valzacchi), Florian Boesch (un commissaire de police), John Dickie (le majordome de la Maréchale), Michael Roider (le majordome de Fanninal), Peter Loehle (un notaire), Markus Petsch (un aubergiste), Piotr Beczala (un chanteur italien), Aleksandra Zamojska (une modiste), Eberhard Francesco Lorenz (un dresseur d'animaux). | |
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