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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Nouvelle production du Roi Arthur de Purcell par Jürgen Flimm et Nikolaus Harnoncourt au festival de Salzbourg 2004.

Salzbourg 2004 (7) :
Gala viennois autour du Roi Arthur

© Yannick MILLON

Étendards menaçants sur un ciel orageux façon Seigneur des Anneaux, format paysage et bleus à la James Cameron ; il est difficile de rater l'affiche de la grande fresque salzbourgeoise de l'été en technicolor et sur grand écran : le King Arthur de Purcell revu par Nikolaus Harnoncourt et Jürgen Flimm. Une première à Salzbourg, qui ressortit plus au gala viennois qu'à l'enchantement baroque.
 

Felsenreitschule, Salzburg
Le 25/08/2004
Thomas COUBRONNE
 



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  • Premier opéra de Purcell à entrer au répertoire du festival de Salzbourg, King Arthur est annoncé comme un spectacle haut en couleurs. De ce côté-là, on est servi, même s'il semble y avoir eu erreur sur l'ennemi : point de Saxons contre les Bretons, mais les Germains d'acteurs contre les Britons de chanteurs. La pièce de Dryden donnée en allemand – avec de fugaces sous-titres didactiques – à l'exception des parties chantées, débute sur un générique à l'américaine et l'ouverture en ré mineur. Oswald et Arthur y sont en très bons termes, car Jürgen Flimm a découvert qu'il y avait de l'ironie dans l'opéra, et les deux tribus ne semblent divisées que pour les besoins du spectacle.

    © Clärchen & Matthias Baus

    Du coup, on se perd, car tous les enjeux de l'œuvre deviennent prétexte à des sketches plus ou moins heureux. Les comédiens sont formidables, le rythme soutenu, la musique bien jouée ; la conception d'ensemble, façon comédie musicale, pourrait même passer. Seulement voilà, il manque un élément de poids : le merveilleux. Qu'il y ait de l'ironie dans le livret, dans la musique, soit, mais King Arthur fait aussi appel au rêve. Que le spectateur ressorte en ayant seulement ri, et la partie est perdue. C'est à notre sens ce qui arrive avec cette production, qui pas une seconde ne dépasse un humour certes efficace mais prosaïque en diable, ou une émotion au deuxième degré.

    La mise en scène se moque du livret, et désamorce tous les beaux moments – et ils sont nombreux – de la partition. Seul le personnage de Philidel apporte un peu de magie baroque, et même des passages aussi sublimes que Fairest Isle ou How blest are shepherds sont tournés en dérision, sinon avec trivialité. S'y ajoute une scénographie inégale, de toute laideur au deuxième acte, avec les costumes minables du chœur où kilts en mohair flirtent avec culottes de peau et autres T-shirts Bambi.

    © Clärchen & Matthias Baus

    Le chœur, par ailleurs très efficace musicalement et scéniquement, danse autant que les danseurs, sur une chorégraphie inexistante qui n'a retenu de la Belle danse que le bal folk, et a oublié d'écouter la musique – rappellera-t-on assez ce rapport fondamental, et dont Harnoncourt devrait se réclamer, de la musique baroque et de la danse ? Du reste, les deux seuls vrais passages dansés par le ballet sont asynchrones et de peu d'intérêt ; voilà au moins un art qui ne sert pas la Gesamtkunstwerk que Flimm nous sert dans le programme. La Chaconne – trop lente, indansable – termine la première partie sans grand brio et d'une manière assez brouillonne sur le plateau.

    La deuxième partie est plus réussie. L'Air du froid, assez bien vu avec ses pingouins, est un massacre en ce qui concerne le chant, comme chaque fois qu'Oliver Widmer ouvre la bouche ; Barbara Bonney n'est que l'ombre d'elle-même, avec quelques beaux restes dans Fairest Isle – mais que d'attaques par en dessous et d'aigus avalés – ; Isabel Rey chante joliment quand elle ne pousse pas, Birgit Remmert est exsangue, et seul Michael Schade s'en tire avec élégance et panache.

    © Clärchen & Matthias Baus

    Harnoncourt est toujours passionnant et imaginatif, mais parfois trop raide, parfois trop mou à la tête d'un Concentus de belle tenue. Le tout se termine, après un long monologue de Merlin à la Frosch, un combat de boxe entre les rois et un mariage glamour, sur la Passacaille valsée autour de l'orchestre, sans grand intérêt, affublée d'inégalités plus viennoises que grand siècle, et d'un atroce ralenti final teutonique.

    Reste que le spectacle fonctionne, c'est parfois drôle, enlevé, et l'on passe un bon moment. Il y a beaucoup à voir sur scène, et certains gags valent le coup d'œil – Schade en crooner, Arthur embrassant à pleine bouche Grimbald déguisé en Emmeline. On regrettera simplement que le côté gala viennois relègue Purcell et l'esprit baroque derrière les arcades du Manège des Rochers.




    Felsenreitschule, Salzburg
    Le 25/08/2004
    Thomas COUBRONNE

    Nouvelle production du Roi Arthur de Purcell par Jürgen Flimm et Nikolaus Harnoncourt au festival de Salzbourg 2004.
    Henry Purcell (1659-1695)
    King Arthur, dramatick opera
    Texte de John Dryden, traduction allemande de Renate et Wolfgang Wiens
    Arrangement de Nikolaus Harnoncourt et Jürgen Flimm
    Passages chantés en anglais, passages joués en allemand

    Association de Concert du Choeur de l'Opéra de Vienne
    Concentus Musicus Wien
    luth, guitare baroque, chitarronne : Luca Pianca et Martin Held
    clavecin : Florian Birsak
    orgue : Herbert Tachezi
    direction : Nikolaus Harnoncourt
    mise en scène : Jürgen Flimm
    décors et vidéo : Klaus Kretschmer
    costumes : Brigitte Hutter
    éclairages : Manfred Voss
    chorégraphie : Catharina Lühr
    préparation des choeurs : Rupert Huber

    Avec :
    Michael Maertens (le Roi Arthur), Dietmar König (Oswald), Peter Maertens (Conon), Christoph Bantzer (Merlin), Roland Renner (Osmond), Christoph Kail (Aurelius), Sylvie Rohrer (Emmeline), Ulli Maier (Matilda), Alexandra Henkel (Philidel), Werner Wölbern (Grimbald), Isabel Rey, Barbara Bonney (soprano), Birgit Remmert (alto), Michael Schade (ténor), Oliver Widmer (baryton).

     


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