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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de l'Italienne à Alger de Rossini mise en scène par Andrei Serban au Palais Garnier, Paris.
Une belle Italienne et un Pappataci
Vivica Genaux (Isabella) et Bruce Sledge (Lindoro).
Pour ouvrir sa saison 2004-2005, l'Opéra de Paris propose une reprise de la désopilante Italienne à Alger mise en scène par Andrei Serban, avec une distribution honorable et une direction d'orchestre toujours aussi plombée. Mais la présence d'un Pappataci dans la fosse n'entamera pas la réussite d'une soirée divertissante en diable.
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Gérard Mortier n'a jamais caché son peu d'affinité avec l'univers puccinien. Sans qu'il se soit prononcé sur Rossini, on peut imaginer aisément qu'il ne goûte les roucoulades langoureuses et autres coloratures du compositeur de cavatines qu'avec parcimonie, et la reprise de l'Italienne en ouverture de saison peut surprendre dans la programmation de l'Opéra de Paris.
Pourtant, force est de constater que la production d'Andrei Serban est aboutie, astucieuse et amusante. Malgré quelques longueurs – au II surtout –, quelques laideurs assez gratuites – les fesses caoutchouteuses des eunuques pas toujours drôles –, quelques déplacements de foule, passages de janissaires et autres esclaves pour combler les lacunes d'une direction d'acteurs pas toujours habitée, l'ensemble est bien ficelé et ménage de bons moments de rire.
Les décors très nouveau riche du palais du Bey, ses vilains portraits en industriel saoudien, les dorures, les peaux de tigre et autres singes, le canapé glamour et les costumes à paillettes du maître des lieux soulignent efficacement la fatuité de ce bourreau des femmes. Quelques flottements et les costumes fourre-tout des figurants font hélas perdre un peu d'impact à une scénographie dans l'ensemble pertinente et inventive, mais on rit beaucoup grâce à l'engagement de tous et à certaines trouvailles particulièrement gratinées – le naufrage du Titanic, la pizza emperruquée à la limite de l'hystérie.
Les dames sont plutôt en voix, à commencer par la pétillante Elvira de Jeanette Fischer, proprement hilarante dans les ensembles – les Ding Ding spasmodiques du Finale du I – bien secondée par la Zulma lyrique et sonore d'Elena Zhidkova. Dommage que Vivica Genaux ne soit ni une Marilyn Horne, ni une Jennifer Larmore ! Les aigus sont tirés et bougent, le grave est trafiqué, et les vocalises débitées à la mode rongeur, à coups de mâchoire assez atypiques. Le timbre est joli, et la mezzo colle très bien à la mise en scène avec ses allures d'hôtesse de l'air, mais un peu plus de caractérisation en ferait une Isabella plus variée, plus rouée aussi.
Bruce Sledge est un Lindoro bien chantant, lyrique et agile, mais un peu juste dans son second air, et sans doute un rien trop viril pour le répertoire de tenore altino. Son rival, Taddeo, est tenu avec maestria par un désopilant Alessandro Corbelli, naturel et plein d'humour, manifestement rompu aux exigences vocales et scéniques de ces emplois bouffes. Quant à Simone Alaimo, il campe un Mustafà parfaitement crédible, et malgré quelques sons détimbrés, on s'amuse beaucoup de son enthousiasme et de la naïveté de son Bey.
Reste l'orchestre, souvent approximatif, dirigé avec mollesse et sans couleurs par un Bruno Campanella dont les rares mérites manifestes sont de ne jamais couvrir le plateau et d'éviter les tempos de foire très à la mode qui ruinent souvent les ensembles à force de prestissimi non contrôlés. Quelques moments sont bien travaillés et très réussis – toujours le finale du I – mais l'ensemble demeure soporifique et sans relief.
Dans le livret, Lindoro veut élever Mustafà au rang de Pappataci (« Mange et tais-toi ! »). Ce soir, le Pappataci qui était dans la fosse n'a pas empêché tout ce beau monde de s'amuser follement.
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