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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Nouvelle production de St François d'Assise d'Olivier Messiaen dans la mise en scène de Stanislas Nordey à l'Opéra Bastille, Paris.
Contresens franciscain
Jose Van Dam (St François)
Après un magnifique Pelléas, l'Opéra de Paris s'attaquait à un défi de taille, une nouvelle production de St François d'Assise. En plongeant l'opéra de Messiaen dans la pénombre et en obligeant ses interprètes à un statisme quasi complet, Stanislas Nordey passe à côté de l'ouvrage. Un spectacle sauvé par l'interprétation musicale.
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Récupérer au pupitre Sylvain Cambreling est certainement la meilleure opération réussie à ce jour par Gérard Mortier. Après un somptueux Pelléas, le chef réitère en donnant une ampleur et des couleurs fabuleuses à la partition de Saint François d'Assise. Voilà bien une lecture claire, exacte, exhaustive, fidèle tout en affirmant beaucoup de personnalité, bref, une lecture comme on les rêve pour une oeuvre qui offre quatre heures trente de musique. Aucune longueur donc à l'audition de ces chatoiements, de ces déferlements de sonorités soyeuses ou plus acidulées, de ces simulations du chant des mille oiseaux chers à Saint François et à Messiaen, musique qui exprime on ne peut mieux le message de joie, de lumière et de paix intérieure contenu dans l'enseignement du saint et tel que le compositeur l'a aussi mis en mots dans son poème.
La satisfaction auditive est d'autant plus grande que tous les chanteurs sont magnifiques eux aussi de vérité, d'investissement et de beauté vocale. José Van Dam en premier, mais tous les autres aussi, comme le Frère Massée de Charles Workman ou le Lépreux de Chris Merritt – mais il faudrait les citer tous – s'imposent autant par la musicalité que par la perfection de la diction et la sobre intensité de l'expression. La voix pure et un peu droite de Christine Schäfer est idéale pour l'ange, sans faire oublier cependant ni Christiane Eda-Pierre ni Dawn Upshaw.
Si Cambreling, les chanteurs et l'orchestre ont donc amplement mérité les acclamations qui accueillirent leurs saluts, Stanislas Nordey n'a pas volé les sifflets qui accueillirent les siens. Il faut vraiment n'avoir rien compris ni à l'univers de Messiaen, ni à celui de Saint François, pour les traduire avec des images aussi stupides, aussi mornes, aussi figées et tout simplement aussi laides. Pauvre Messiaen, pour qui chaque note évoquait immédiatement une couleur précise ! Le voici plongé dans un univers de semi pénombre oscillant entre le marronnasse et le caca d'oie, avec juste, au dernier acte, la charité d'un peu de rouge et de jaune. Pour répondre à la joie qu'expriment en permanence le texte et la musique, nous sommes en pleine sinistrose quatre heures d'horloge. Et de mise en scène à proprement parler, il n'y a point.
Les personnages sont de manière générale totalement immobiles face à la salle. Quand ils lèvent un bras, on a l'impression d'un vaste mouvement de foule. Un dispositif scénique composé d'un espace carré entouré d'un vaste demi-cylindre sert de le lieu quasi unique. On pourrait songer à une sobriété à la Wieland Wagner qui aimait aussi obscurité et espaces non figuratifs, mais lui, au moins, était un génie de la direction d'acteurs. Ici, vous pouvez fermer les yeux un quart d'heure, quand vous les rouvrez, personne n'a bougé d'un millimètre. Dans ces conditions, mieux vaudrait alors une version de concert. L'action de St François ne réclame pas une grande agitation, mais ce genre de refus du geste, on l'a trop vu comme une échappatoire à un véritable travail de scène.
En outre, il est ici hors de propos, à côté du sujet, contraire à l'oeuvre, comme ces vilaines couleurs et le misérabilisme primaire des costumes. Cela fait vieux théâtre qui se veut intello et qui ne révèle finalement qu'une incapacité viscérale à comprendre et à représenter les beautés et le message de la partition. A écouter les yeux fermés, mais cela risque quand-même de paraître alors un peu longuet !
Prochaines représentations les 12, 16, 20, 24, 27 octobre, 2 et 5 novembre.
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Opéra Bastille, Paris Le 06/10/2004 Gérard MANNONI |
| Nouvelle production de St François d'Assise d'Olivier Messiaen dans la mise en scène de Stanislas Nordey à l'Opéra Bastille, Paris. | Olivier Messiaen (1908-1992)
Saint François d'Assise, scènes franciscaines en trois actes et huit tableaux (1983)
Poème et musique d'Olivier Messiaen en langue française
Choeurs et Orchestre de l'Opéra national de Paris
direction : Sylvain Cambreling
mise en scène : Stanislas Nordey
décors : Emmanuel Clolus
costumes : Raoul Fernandez
éclairages : Philippe Berthomé
préparation des choeurs : Peter Burian
Avec :
Christine Schäfer (L'Ange), José Van Dam (Saint François), Chris Merritt (Le Lépreux), Brett Polegato (Frère Léon), Charles Workman (Frère Massée), Christoph Homberger (Frère Elie), Roland Bracht (Frère Bernard), Guillaume Antoine (Frère Sylvestre), David Bizic (Frère Ruffin). | |
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