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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise d'Otello de Verdi mis en scène par Willy Decker au Grand Théâtre de Genève.
Dramaturgie et espace recomposés
Reprenant la production bruxelloise, Genève ouvre la saison lyrique avec un Otello contrasté entre l'excellente mise en scène de Willy Decker et l'aspect purement musical. Alors que Galouzine, souffrant, est contraint de se retirer à mi-représentation et que Steinberg peine à mettre en relief les arêtes dramatiques de l'oeuvre, Farnocchia s'impose comme l'interprète de la soirée.
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En se passant de la traditionnelle ouverture, Otello innovait en projetant littéralement le spectateur au coeur de l'action, au moyen d'une vigoureuse scansion rythmique magnifiquement amenée par une courte levée pleine d'énergie, véritable composition dramaturgique accusant l'impact dramatique de l'ouvrage. D'un point de vue scénique, on eut donc facilement imaginé pour cet Otello une levée de rideau rapide, dévoilant d'emblée un mouvement scénique saisissant et happant le spectateur au même titre que l'entrée musicale.
Willy Decker a cependant choisi une solution encore plus subtile, remodelant la structure dramaturgique de Verdi à sa manière. D'une part, il recompose l'opéra en deux actes au lieu de quatre, choisissant ainsi un parcours plus téléologique ; d'autre part, le spectacle commence dans le silence, rideau levé. Un cadre et un plateau obliques, réduits au premier plan, créent une impression de déséquilibre qui suffit à suggérer l'aspect conflictuel de l'oeuvre. Iago, seul dans cet espace clos face à une croix blanche disproportionnée, examine un jeu de cartes qu'il jette subitement dans la profondeur de la scène, au moment précis où la musique démarre et où le mur du fond s'éclipse pour dévoiler la scène de la tempête. Transfert scénique de la propulsion orchestrale, ce geste énergique engendre le début véritable de l'action et pose Iago en tant que grand orchestrateur d'un jeu machiavélique parfaitement préparé.
Apparaît alors le reste de l'espace scénique, caractérisé par une grande profondeur de champ créée par de magnifiques lignes de fuite. L'un des atouts de cette mise en scène, servie par des décors et des éclairages épurés et efficaces, est assurément la maîtrise de l'espace, que Willy Decker gère parfaitement en fonction des situations dramatiques : complots au premier plan, scène de foule répartie en profondeur, scène d'amour donnant sur l'espace ouvert d'une nuit étoilée ou au contraire espace définitivement bloqué au moment du meurtre. L'espace devient ainsi le principal élément scénique à faire sens, jusqu'à l'espace déformé et perturbé de l'acte III, provoqué par un miroir dressé en oblique au milieu de la scène, renvoyant constamment le Maure à sa différence de couleur par rapport aux autres et en particulier à Desdémone.
Deux Otello pour le prix d'un
Au plan musical, le constat est plus décevant. Galouzine, disposant d'un timbre parfait pour Otello, est victime d'une crise d'asthme en plein spectacle, et abandonne la seconde partie à sa doublure. De fait, sa prestation est perturbée par de nombreuses octaviations, notamment dans Si, per ciel marmoreo giuro. Plus problématique, le duo d'amour avec Desdémone le montre incapable de demi-teinte ou de subtilité dans les nuances.
Sa doublure, Sergei Naida, s'en tire plus qu'honorablement au regard des circonstances. Si la couleur vocale est moins intéressante, la subtilité psychologique du Maure est mieux dessinée et le couple fatal n'en paraît que plus probable. Marzio Giossi manque de charisme pour donner à Iago toute sa dimension, mais compose un personnage nuancé. Quant à Serena Farnocchia, elle se distingue avantageusement du reste de la distribution ; sa voix claire fait merveille dans La chanson du saule et dessine constamment Desdémone avec science et finesse.
Dans la fosse enfin, la lecture de Pinchas Steinberg manque considérablement de lignes de force, de sorte que son interprétation sape la structure dramaturgique de l'oeuvre. En outre, le chef confond systématiquement urgence dramatique avec rapidité du tempo. En résulte un quatrième acte bien inintéressant, occultant notamment toute la tension contenue dans la scène du meurtre.
En définitive, une demi-réussite que cet Otello genevois, mais au regard des dernières expériences parisiennes, on sait que le chef-d'oeuvre de Verdi ne peut se passer d'un travail scénique efficace. On saluera d'autant plus les qualités disparates de cette production qui vaut tout de même largement le détour.
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Grand Théâtre, Genève Le 03/10/2004 Benjamin GRENARD |
| Reprise d'Otello de Verdi mis en scène par Willy Decker au Grand Théâtre de Genève. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Otello, opéra en quatre actes (1887)
Livret d'Arrigo Boito d'après le drame de Shakespeare
Reprise de la Production du Théâtre Royal de la Monnaie, Bruxelles
Choeurs du Grand Théâtre de Genève
Orchestre de la Suisse Romande
direction : Pinchas Steinberg
mise en scène : Willy Decker
décors et costumes : John Macfarlane
Ă©clairages : David Finn
préparation des choeurs : Ching-Lien Wu
Avec :
Vladimir Galouzine / Serguei Naida (Otello), Marzio Giossi (Iago), Serena Farnocchia (Desdemona), Mirko Guadagnini (Cassio), Lyonel Grélaz (Roderigo), Sophie Pondjiclis (Emilia), Eric Owens (Lodovico), Slobodan Stankovic (Montano), Dimitri Tikhonov (Un héraut). | |
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