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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Le Barbier de Séville à Genève.
Un Barbier pas très décoiffant
Au Grand Théâtre de Genève, la production venue de la Maestranza de Séville pourrait servir de drapeau à la ville andalouse. Mais quand le décor fait office de mise en scène et la direction musicale n'est pas assez dégagée derrière les oreilles, il reste le talent des chanteurs, et plus particulièrement la verve de Maria Bayo.
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Grand Théâtre, Genève
Le 28/03/2000
Sylvie BONIER
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Pour l'ouverture du Barbier de Séville, une grande toile sur laquelle les éclairages déclinent chaque heure du jour obstrue toute la scène. La fameuse tour de la Giralda veille sur un Guadalquivir nonchalant. On s'y croirait. Et quand se lève ce rideau des plus illustratifs, c'est dans une cité d'Epinal que l'équipe responsable de ce décor nous entraîne. Carmen Laffón, Juan Suarez, Anna-Maria Abascal et Jacobo Cortines s'en sont donnés à coeur joie. À tel point que l'animation de ce parfait environnement sévillan rend aux murs-mêmes une vie surprenante. Les lourdes persiennes végétales qui se soulèvent sur une cour d'orangers en fruits, les fenêtres qui battent dans le vent de la tempête et la pluie qui vient refroidir les élans de Rosine s'appuient sur les magnifiques lumières de Vinicio Cheli. On se promène avec délectation au pays de la chaleur blanche et des douces soirées méditerranéennes.
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Mais un décor ne saurait remplacer une mise en scène. Et c'est malheureusement ce qui finit par arriver dans ce spectacle où Jose-Luis Castro n'arrive pas à dépasser les conventions de l'opéra, dans lesquelles il enferme ses protagonistes. Si le parti pris de comédie que défend le Sévillan se justifie, il est soutenu avec les mauvais outils du genre. Déclamation face au public, gestes ostentatoires, manque d'échange entre les personnages : on reste dans la représentation pure. L'aspect buffa n'en est que davantage enterré. Bref, on s'ennuie à ce jeu de bienséance souriante. D'autant que la direction d'orchestre du chef de choeur Guillaume Tourniaire ne propose rien d'autrement surprenant. Son souci de précision et de mise en valeur de chaque pupitre est louable. On sent dans cette direction claire et pointilleuse une rigueur artisanale, mais pas la jubilation et l'esprit bouillant d'un Rossini en plein débordement créatif. Trop carrée et décortiquée, cette lecture étouffe l'élan débridé qui devrait s'emparer des instruments de l'OSR. Par contre, installé au pianoforte dans les récitatifs, ce musicien sagace sait imiter le jeu alangui d'une guitare qui confère à la partition une ravissante touche de nostalgie. On se rattrape sur le dessert. En l'occurrence, la voix et le tempérament de Maria Bayo, Rosine aussi fine musicienne qu'indiscutable technicienne. La plénitude de ses médiums et l'éclat de ses aigus, le naturel de son jeu et la lumière de sa présence rendent cette artiste imbattable dans ce rôle de haute féminité. Et pour ceux que la vocalise exalte, la solidité et la légèreté de sa pyrotechnie vocale n'en décevra pas un. Le baryton berlinois Dietrich Henschel s'est frotté à Figaro dans sa toute jeune carrière. Le voici affermi dans ce rôle des plus latins, qu'il empoigne à pleines mains. Bien campé mais encore un peu raide, son personnage séduit surtout par l'authentique sincérité qui l'habite. On ne peut évidemment résister au Bartolo malicieux d'Enzo Dara que la mise en scène n'affine malheureusement pas. Et à l'impayable Berta de Giorgia Ellsi-Filice, qui traverse la scène dans une indolence de dessin animé à la Droopy. Cette mezzo fraîche devrait faire sa place au soleil. L'Almaviva maniéré de Bruce Ford s'avère de son côté plus collant que séduisant. Il entraîne le Comte davantage du côté des Noces d'un Mozart de salon que du Barbier d'un Rossini d'esprit et de drôlerie.
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Grand Théâtre, Genève Le 28/03/2000 Sylvie BONIER |
| Le Barbier de Séville à Genève. | Le Barbier de Séville de Gioacchino Rossini
Orchestre de la Suisse Romande
Choeurs du Grand Théâtre
Chef des choeurs : Guillaume Tourniaire
Direction musicale : Guillaume Tourniaire
Mise en scène : Jose Luis Castro
DĂ©cors et costumes : Carmen Laffon
Lumières : Vinicio Cheli
Avec Maria Bayo (Rosina), Dietrich Henschel (Figaro), Bruce Ford (Le Comte Almaviva), Enzo Dara (Le docteur Bartolo), Daniel Borowski (Basilio) | |
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