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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Première à Paris de la Kátia Kabanová de Janáček dans la mise en scène de Christoph Marthaler, sous la direction de Sylvain Cambreling au Palais Garnier.
Le triomphe de l'intelligence
Angela Denoke (Kátia)
Créée à Salzbourg en 1998, déjà vue au Capitole de Toulouse, coproducteur, en 2000, ainsi que dans divers théâtres et à la télévision, la Kátia Kabanová signée Christoph Marthaler et Sylvain Cambreling reste une soirée d'opéra enthousiasmante à tous égards. Une merveille d'intelligence.
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Nous l'avions dit lorsque cette vision moderne mais totalement cohérente et convaincante de Kátia Kabanová était arrivée à l'affiche du Capitole de Toulouse. Il est rare de voir un spectacle d'opéra jouant la carte de l'audace et réussissant à ce point un parcours sans faute, que ce soit au niveau théâtral ou musical.
Une fois encore, Sylvain Cambreling mène le jeu avec une aisance, une imagination, une inspiration, bref, un talent exceptionnels, comme il l'a d'ailleurs fait à chacune de ses apparitions au pupitre de l'Opéra depuis la rentrée. Sous sa baguette, la partition de Janáček vibre de passion, plonge dans l'angoisse, prend quand il le faut des couleurs folkloriques, se déchaîne en accents de désespoir, se jette dans l'action comme un personnage à part entière, ou encore s'envole dans les impondérables rêveries de Kátia. C'est magique, divertissant, bouleversant, agressif, charmeur, ironique, une palette incroyable d'impressions, le tout servi de façon magistrale par les musiciens de l'orchestre.
Fatalement, sous une pareille direction, le plateau vibre, s'engage sans restriction, mené par Angela Denoke, Kátia à la voix superbe, capable de toutes les nuances, fragile et forte, actrice d'une vérité et d'une simplicité à faire pleurer. Et tous la suivent, chantant bien et jouant on ne peut mieux. Sans les nommer tous, rappelons la composition irrésistible de Jane Henschel en Kabanicha vilaine comme un troll, agressive, mauvaise, jouisseuse, infecte et perverse jusque dans ses rondeurs qui aguichent Saviol Dikoy. Excellent David Kuebler, en Boris aussi nul en amour que dans la vie, séducteur de pacotille aux allures de « vitellone » attardé. Tous passent la rampe avec un impact irrésistible, que ce soit musical ou dramatique.
Car, dans le décor à la fois réaliste et poétique d'Anna Viebrock, créant un monde minable, dangereux, toujours sous le regard et donc sous le jugement des autres, avec ce petit coin de faux confort qu'est la chambre douillette de la Kabanicha, véritable petit réduit infernal malgré ses crucifix, Christoph Marthaler a su donner vie à un groupe d'êtres humains au comportement totalement adéquat. Avec une intelligence de chaque minute, il manipule tradition et audace, trouve les gestes et les attitudes qui , tous, racontent comment chaque personnage vit ce drame.
Un travail exemplaire, car l'émotion est omniprésente et l'on sort du spectacle l'estomac noué, comme il est si rare de le ressentir après avoir vu un opéra dont on connaît aussi bien la musique et le livret. Au soir de la première, quelques spectateurs ont cru bon de siffler. C'est leur droit. Dommage pour eux s'ils sont passés à côté du spectacle, car ils n'en verront pas souvent de cette qualité. Cela prouve seulement qu'une partie du public parisien a encore du chemin à faire pour être à la hauteur de celui d'autres villes. De Toulouse, par exemple !
Prochaines représentations les 3, 6, 9, 12, 16 et 19 novembre.
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Palais Garnier, Paris Le 28/10/2004 Gérard MANNONI |
| Première à Paris de la Kátia Kabanová de Janáček dans la mise en scène de Christoph Marthaler, sous la direction de Sylvain Cambreling au Palais Garnier. | Leoš Janáček (1854-1928)
Kátia Kabanová, opéra en trois actes (1921)
Livret de Vincence Cervinka, d'après l'Orage d'Alexandre Nikolaïevitch Ostrovski.
Chanté en tchèque
Choeurs et Orchestre de l'Opéra national de Paris
direction : Sylvain Cambreling
mise en scène : Christoph Marthaler
décors et costumes : Anna Viebrock
éclairages : Olaf Winter
préparation des choeurs : Peter Burian
Avec :
Angela Denoke (Kátia), Roland Bracht (Saviol Dikoy), Jane Henschel (Kabanicha), Christoph Homberger (Tichon Kabanov), David Kuebler (Boris Grigorievitch), Toby Spence (Kudriach), Dagmar Peckova (Varvara), Frédéric Caton (Kouliguine), Ulrica Precht (Glacha), Tracy Smith-Bessette (Fekloucha), Ulrich Voss (un homme), Carolien Bibas (une femme). | |
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