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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Reprise d'Aïda de Verdi dans la mise en scène de Robert Wilson au Théâtre Royal de la Monnaie, Bruxelles.

Aïda soumise au sacré
© Johan Jacobs

De retour à la Monnaie après une escale houleuse au très conservateur Covent Garden de Londres, cette Aïda, fruit de l'union inédite entre Verdi et Robert Wilson, pouvait susciter autant d'espérance que de crainte. Quoi de commun, en effet, entre le mélodrame archéologique et le hiératisme bleuté ? Pourquoi pas tout ?
 

Théâtre royal de la Monnaie, Bruxelles
Le 26/10/2004
Mehdi MAHDAVI
 



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  • Si ce n'est être noire, Wilson ne refuse rien à Aïda, pas même le faste, jusque dans un triomphe à la chorégraphie indigne d'une telle esthétique et des costumes élégamment évocateurs. Simplement, il épure, ritualise, subordonne tout au sacré : figure sombre et imposante de Ramfis qui, plus encore que le Grand Inquisiteur contre lequel Philippe II ose un instant s'élever, domine tout, à commencer par ce Roi qui n'est que malheureuse silhouette. Son Egypte se décline du crépuscule à l'aube, du bleu profond au mauve naissant, en silhouettes de Gizeh, en ombres de temples. Ses personnages, emmurés dans leurs contradictions, leur égocentrisme, trouvent dans la pose soudain brisée leur expression la plus juste, la plus fidèle : l'intensité de l'introspection que ménage la convention de l'aria se trouve décuplée lorsque Wilson n'éclaire qu'un visage dans le noir profond. Et par là-même, le metteur en scène américain instaure une qualité d'écoute trop souvent sacrifiée à l'exotisme distrayant.

    En laissant s'épanouir des soli extatiques, malgré une certaine absence des contrebasses à l'heure du Jugement, Kazushi Ono illumine cette Egypte sublimée, mais mieux encore, par l'italianità recréée du son et du geste, il la prolonge. Ce ne sont que jeux de tensions : bouleversantes dans le duo entre Aïda et Amonasro, asphyxiantes dans la scène du Jugement, éclatantes dans la pompe du Triomphe. Les cordes sont acérées, chauffées à blanc, les cuivres cinglants : l'Orchestre symphonique de la Monnaie vrombit, exulte. N'était la curieuse précipitation du duo final – mais là encore, quel tapis de cordes –, une référence moderne.

    Ce qu'offre le chant n'est ni pire ni meilleur que le quotidien verdien des scènes internationales, puisque ce sont ceux-là même qui y chantent ces même rôles : ces dames luttent avec plus ou moins d'efficacité contre leur vibrato autoroutier tandis que ces messieurs se préoccupent plus de décibels que de musique et de personnages. Mais comme cela ne va pas sans son lot de frissons, il serait ingrat de ne pas nuancer.

    L'Aïda passionnée et émouvante de Michèle Crider

    Michèle Crider possède les facilités d'un vrai format spinto, même si elle ne les exploite pas toujours, comme contrainte durant les deux premiers actes. Une annonce faite à l'issue de l'entracte lui permet d'aborder la suite en toute quiétude et de donner toute sa mesure dans un air du Nil remarquablement conduit et expressif. Quelques écarts de justesse n'y pourront rien, cette Aïda au grave sombre et à l'aigu brûlant se distingue enfin, passionnée et émouvante.

    Sans doute la seule à posséder une réelle conscience de l'esthétique wilsonienne, l'Amneris d'Ildiko Komlosi ne sort de sa réserve que sur le tard, et par trop composée, forcée. Malgré un timbre enveloppant, la banalité guette souvent. S'il n'osait, et réussissait parfois, quelques pianissimi, voire diminuendi, Badri Maisuradze ne serait que le énième fort ténor débarqué du Bolchoï à gorge déployée. Du seul acier trempé, Andrezj Dobber fait un Amonasro d'une déconcertante aisance, tandis qu'Orlin Anastassov, musicien plus scrupuleux au timbre de bronze plus raffiné, n'a pas tout à fait l'envergure d'un Ramfis. Michela Romer serait quant à elle idéale de transe sacerdotale si elle n'était en voix de mégère.

    Il eût sans doute fallu d'autres voix, d'autres corps, pour que ce rêve d'Egypte fût absolument abouti. L'emprunte qu'il laisse sur la mémoire verdienne n'en est pas moins profonde.




    Théâtre royal de la Monnaie, Bruxelles
    Le 26/10/2004
    Mehdi MAHDAVI

    Reprise d'Aïda de Verdi dans la mise en scène de Robert Wilson au Théâtre Royal de la Monnaie, Bruxelles.
    Giuseppe Verdi (1813-1901)
    Aida, opéra en quatre actes et sept tableaux (1871)
    Livret d'Antonio Ghislanzoni

    Choeurs et Orchestre symphonique de La Monnaie
    direction Kazushi Ono
    mise en scène, décors et éclairages : Robert Wilson
    costumes : Jacques Reynaud
    préparation des choeurs : Piers Maxim

    Avec :
    Michèle Crider (Aïda), Badri Maisuradze (Radamès), Ildiko Komlosi (Amneris), Andrzej Dobber (Amonasro), Orlin Anastassov (Ramfis), Guido Jentjens (le Roi), Michela Remor (une prêtresse), André Grégoire (un messager).

     


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