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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Mefistofele de Boito mise en scène par Graham Vick à l'Opéra néerlandais, Amsterdam.
DĂ©cevant Mefistofele dans une saison de prestige
Médiocrement distribué et mis en scène, le nouveau Mefistofele de Boito que présente Graham Vick à l'Opéra néerlandais d'Amsterdam a cependant le mérite de proposer un opéra peu donné et original. Un léger faux pas dans une programmation par ailleurs exemplaire.
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La programmation de l'Opéra d'Amsterdam, dont le directeur artistique est le metteur en scène Pierre Audi, est à la fois ambitieuse, éclectique et souvent originale. On peut y applaudir chaque saison des oeuvres rares que d'autres grandes scènes hésitent à monter, et dans des conditions optimales, avec un prix de places parmi les plus bas des théâtres internationaux de ce niveau.
La saison dernière, De Nederlandse Opera a proposé de majestueux Troyens et surtout un Don Carlo en tous points exceptionnel pour les adieux de Riccardo Chailly à l'Orchestre du Concertgebouw. Une des caractéristiques essentielles de ce théâtre étant de ne pas posséder d'orchestre propre, chaque production est animée par une des grandes formations néerlandaises. Ainsi, pour la saison 2004-2005, le Nederlands Philharmonisch Orkest est chargé de la reprise du Ring donné dans le désordre. Après Siegfried en septembre, Crépuscule des Dieux sera à l'affiche fin janvier, puis l'Or du Rhin en mai. L'Amour des trois oranges dans sa version française bénéficiera d'une nouvelle production de Laurent Pelly, avec Stéphane Denève à la tête du Rotterdam Philharmonisch Orkest. Le Nederlands Kammerorkest assurera Lucio Silla et Norma et le Koninklijk Concertgebouworkest est invité pour La Ville morte dans la production de Willy Decker co-produite par le Festival de Salzbourg et l'Opéra de Vienne. Enfin, l'excellent Radio Symfonie Orkest officiait pour le Mefistofele de Boito présenté ce mois d'octobre.
Un opéra rarissime
Les occasions de voir cet opéra sont rarissimes. Livret et musique en sont signés par celui qui deviendra le librettiste de Verdi pour les géniales adaptations shakespeariennes d'Otello et de Falstaff. De tous les opéras inspirés par le mythe de Faust, celui de Boito est sans doute celui qui reste le plus fidèle à la complexité du monde de Goethe et le seul qui tienne compte des deux parties de l'oeuvre originale. Quant à la foisonnante partition créée à Milan en 1868 (un fiasco avant la version révisée pour Bologne en 1875), elle ne ressemble à rien d'autre, et surtout pas aux grandes partitions contemporaines comme Don Carlo de Verdi, Roméo et Juliette de Gounod, Hamlet d'Ambroise Thomas ou Les Maîtres chanteurs de Wagner, encore qu'on puisse déceler une influence wagnérienne dans cette musique italienne.
Mis à part l'Opéra de Nice qui avait osé le monter en 1978, cet ouvrage atypique a toujours été boudé en France. On l'a cependant entendu en version de concert au Palais Garnier avec l'époustouflant Mefistofele de Samuel Ramey qui, prenant la succession de Cesare Siepi et de Nicolaï Ghiaurov, a marqué le rôle titre ces deux dernières décennies partout dans le monde. Il avait notamment fait preuve de qualités vocales superlatives et d'un humour dévastateur dans la production du Metropolitan Opera de New York qui avait révélé Robert Carsen en 1999.
Une production assez largement décevante
On n'a malheureusement pas retrouvé le même niveau dramatique et vocal à Amsterdam où seul le bel orchestre et des choeurs somptueux dirigés avec brio par Carlo Rizzi ont rendu justice à l'une des partitions les plus originales du répertoire italien. Des trois principaux protagonistes, seule Myriam Gauci a défendu le double rôle féminin de Marguerite et Hélène de Troie avec les moyens et le style adéquats. Le jeune ténor Dario Volonté est mal à l'aise, voire en péril dans la tessiture beaucoup tendue pour lui de Faust, et pêche également par de graves problèmes d'intonation. L'Israélien Gidon Saks, remarqué en Claggart dans Billy Budd à l'Opéra Bastille en 2001, a certes les moyens vocaux de Mefistofele, mais la voix est raide, peu italienne, et son interprétation au premier degré manque de dérision.
Il est vrai que cette fois, le metteur en scène Graham Vick, que l'on a connu beaucoup plus inspiré, a raté son affaire. Certes, on peut presque tout se permettre avec Mefistofele, mais ici le spectacle part dans tous les sens, sans qu'apparaisse une idée directrice claire. On se perd dans un fouillis disparate, des clichés au goût du jour, une modernisation qui ne fonctionne pas. Tout est trop sérieux, sans une once d'humour. Le dispositif scénique évoquant une mappemonde est trop lourd ou mal adapté au lieu car il nécessite de longues minutes d'attente entre chaque tableau. La continuité dramatique et musicale est sans arrêt coupée et la soirée se traîne en longueur. Quelques belles images, cependant, comme la bibliothèque en flamme du tableau d'Hélène de Troie.
Au final, une franche déception que ce Mefistofele médiocre au sein d'une programmation prestigieuse.
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