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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise du Trouvère de Francesca Zambello à l'Opéra Bastille, Paris.
Sauvé des eaux
Dûment reprise en main par Gérard Mortier en personne, la catastrophique production du Trouvère de Verdi par Francesca Zambello connaît une deuxième et bien plus convaincante jeunesse. Avec une belle distribution masculine et la découverte d'un mezzo au plus bel avenir.
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A la question : pourquoi et comment un directeur d'opéra laisse-t-il aller à la catastrophe une production naufragée ? Gérard Mortier a choisi d'apporter une réponse en se référant à celui qui le précéda à la tête du Festival de Salzbourg, Herbert von Karajan. Ce n'est pas fréquent. Il a en effet remanié en partie lui-même pour les lumières, et avec Isabelle Cardin pour la mise en scène proprement dite, ce que Francesca Zambello et ses collaborateurs avaient si complètement raté la saison passée.
Il est d'ailleurs plus intelligent d'agir ainsi que de ranger la production dans un placard ou la redonner en l'état. Un vigoureux nettoyage a été effectué en tous domaines. Moins de figurants inutiles sur scène, moins d'accessoires encombrants, quelques costumes moins ridicule – celui d'Ines notamment – certaines idées stupides abandonnées, comme cette malheureuse Azucena accrochée à une roue de canon et roulée hors de scène. Revus par Mortier lui-même, les éclairages donnent un autre relief et une autre vie à l'ensemble, même si ce qui reste des décors demeure aussi laid et souvent absurde. Mais en bref, de vraiment caricatural, le spectacle devient regardable et parfois même crédible.
D'autant que la distribution masculine est de haute tenue. Neil Schicoff, d'abord, étonne, à ce stade de sa carrière, par la perfection d'une voix et d'une émission qui rendent justice tant à la partition qu'au personnage de Manrico, avec, semble-t-il, les adaptations devenues aujourd'hui quasi générales. Belle musicalité, vaillance et expression : un Manrico exceptionnel.
Dmitri Hvorostovsky n'est pas un vrai baryton Verdi, mais la beauté du timbre, le contrôle de l'émission et l'intelligence de l'interprétation tout comme sa prestance physique en font aussi un Comte de Luna de haute lignée. Quant à Kristinn Sigmundsson, on retrouve son Ferrando caverneux et agile avec grand plaisir.
Côté distribution féminine, Marina Mescheriakova reste une Leonora plausible et inégale, avec de beaux moments et des passages à vide, pouvant aller jusqu'à l'erreur totale. En revanche, la jeune Elena Manistina est une vraie découverte. Peut-être autant grand soprano dramatique que mezzo, voilà une grande voix, claire, bien en place, au timbre brillant, aux graves aussi faciles que les aigus. Lauréate du Concours Operalia Placido Domingo en 2002, elle est à l'orée d'une superbe carrière.
Ajoutons encore des choeurs somptueux et un Gustav Kuhn qui mène le tout depuis la fosse avec énergie, enthousiasme, achevant de redorer le blason d'une production véritablement sauvée du naufrage.
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Opéra Bastille, Paris Le 03/12/2004 Gérard MANNONI |
| Reprise du Trouvère de Francesca Zambello à l'Opéra Bastille, Paris. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Il Trovatore, opéra en quatre actes (1853)
Livret de Salvatore Cammarano d'après le drame espagnol d'Antonio GarcÃa Gutiérrez
Choeurs et Orchestre l'Opéra national de Paris
direction : Gustav Kuhn
mise en scène : Isabelle Cardin d'après une idée de Francesca Zambello
décors : Maria Björnson et Adeian Linford
costumes : Sue Willmington
éclairages : Gérard Mortier et Rui Matos Machado d'après Peter Mumford
Avec :
Neil Schicoff (Manrico), Marina Mescheriakova (Leonora), Elena Manistina (Azucena), Dmitri Hvorostovsky (Il Conte di Luna), Kristinn Sigmundsson (Ferrando), Natacha Constantin (Ines), David Bizic (Un vecchio zingaro), Xavier Mas (Ruiz), Fernando Velasquez (Un messo). | |
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