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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de La Chambre Philharmonique sous la direction d'Emmanuel Krivine, avec la participation du pianiste Alain Planès à l'Opéra Royal de Versailles.
Camerata version orchestrale
Les instruments d'époque de La Chambre Philharmonique et Emmanuel Krivine ont, pour le moins, tenu en haleine la critique musicale aussi bien que les mélomanes. Leur prestation à l'Opéra Royal de Versailles, avec Alain Planès, a confirmé des qualités évidentes, même si le tout jeune orchestre doit encore trouver une identité sonore plus affirmée.
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Opéra Royal, Versailles
Le 20/11/2004
Yutha TEP
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Même la présence d'un Emmanuel Krivine – « Enfin un vrai chef prenant part la création d'une phalange sur cordes en boyau ! », se sont exclamés d'aucuns non sans condescendance à l'égard de ce qui s'est fait durant les trente années précédentes –, ne suffit pas à conférer à un orchestre vieux d'une petite bougie cette spécificité sonore que seules les années permettent.
Il faut cependant se féliciter d'une telle naissance, qui apporte une contribution de premier plan aux réflexions que le seul Orchestre des Champs-Elysées de Philippe Herreweghe menait en France jusqu'à ce jour sur les répertoires classique et romantique. A l'heure actuelle, La Chambre Philharmonique ne rivalise pas tout à fait avec l'homogénéité et la fusion des timbres – ni même la discipline – de l'Orchestre des Champs-Elysées, mais gageons que les mois à venir verront une évolution notable.
Les trois concerts de décembre (deux à l'Opéra Royal de Versailles, un autre au Théâtre de Poissy) peuvent constituer une sorte d'état des lieux, la présence d'Alain Planès au pianoforte dans le Quatrième concerto de Haydn ajoutant un surcroît d'intérêt tant musical que musicologique. Passons rapidement sur la Symphonie en ré majeur d'Ignace Pleyel, qui a surtout le mérite de mettre en relief les belles couleurs instrumentales de l'orchestre.
L'acoustique de l'Opéra Royal n'est pas simple pour une formation de ce type, mais elle n'est en rien indigne non plus – pas pire, par exemple, que le gigantesque Corum de Montpellier, où La Chambre avait fait une apparition douloureuse en juillet dernier. A Versailles, les timbres fruités des instruments anciens se sont pleinement épanouis, formant un écrin chatoyant : parfois curieusement un peu en retrait – essentiellement dans l'Allegro moderato liminaire, Alain Planès sait du moins exploiter le potentiel sonore d'un instrument cependant un peu aride dans les aigus (mais là encore, un plaisir après un Staier complètement perdu dans la grande nef du Corum), Krivine trouvant pour sa part un équilibre satisfaisant dans les échanges avec son soliste.
L'événement était bien sûr l'Eroica de Beethoven. Il faut bien constater que la question principale réside non pas tant dans le dégraissage des sonorités – et donc l'équilibre entre les différents pupitres de l'orchestre – que dans le placement des accents et des liaisons, et ses conséquences sur l'articulation et le phrasé. Emmanuel Krivine a parfaitement su opérer un virage que lui imposaient de toute façon la facture instrumentale, les archets en premier lieu.
La nervosité des lignes ainsi obtenue rejoint en outre sa manière propre, faisant la part belle à une sveltesse vif-argent qui n'hésite nullement devant certaines gifles orchestrales. Dans l'Allegro con brio et dans le Finale, le chef français guide en outre de manière brillante le flux et reflux musical – dommage que les trompettes sonnent de manière un peu agressive, sans s'intégrer au reste des cuivres, et avec pour effet de diluer paradoxalement ces fanfares qui scandent le discours beethovenien.
L'art des crescendi d'Emmanuel Krivine
Krivine va encore plus loin avec un Scherzo tout en lignes tendues comme un arc, avec une impression de puissance suggérée mais tenue qui capte immanquablement l'attention de l'auditeur. Ce qui ne l'empêche pas, par ailleurs, de délivrer auparavant une Marcia funebre éperdue de lyrisme douloureux, le grondement des contrebasses établissant d'emblée un climat d'une noirceur frappante. Tout ceci n'a été bien sûr possible que grâce à une gestion remarquable des transitions, ménageant ces crescendi qui font trop souvent défaut aux interprètes à l'ancienne, et que ne parviennent pas toujours à réussir un Philippe Herreweghe ou un Roger Norrington. C'est ici tout l'art d'Emmanuel Krivine.
Encore un mot : il serait injuste de réduire La Chambre Philharmonique à son seul chef, les musiciens de l'orchestre ayant joué dès le départ un rôle essentiel dans la création de leur formation. Longue vie donc à cette Camerata version orchestrale !
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Opéra Royal, Versailles Le 20/11/2004 Yutha TEP |
| Concert de La Chambre Philharmonique sous la direction d'Emmanuel Krivine, avec la participation du pianiste Alain Planès à l'Opéra Royal de Versailles. | Ignace Joseph Pleyel (1757-1831)
Symphonie en ré majeur
Joseph Haydn (1732-1809)
Concerto pour piano n°4 en sol majeur
Alain Planès, pianoforte
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie n°3 en mi bémol majeur, op. 55 « Eroica »
La Chambre Philharmonique
direction : Emmanuel Krivine | |
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