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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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All'improvviso, récital de l'ensemble l'Arpeggiata sous la direction de Christina Pluhar à la salle Gaveau, Paris.
Sans frontières et euphorisant
Christina Pluhar
Nul doute que Christina Pluhar et son Arpeggiata allaient de nouveau mettre le feu à la Salle Gaveau. Après la transe de la Tarantella, la harpiste et théorbiste autrichienne estompe un peu plus les frontières entre les genres et les époques, dans un programme faisant la part belle à l'improvisation, pour un po di follie !
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A une époque où le respect de la lettre, le goût de la musicologie, la recherche de l'authenticité absolue, sont élevés au rang de dogmes, la démarche de Christina Pluhar, fondatrice de l'Arpeggiata, peut sembler téméraire, d'autant qu'elle est continuiste reconnue et recherchée. Mais l'improvisation n'est-elle pas la clé du premier baroque, basses à peine chiffrées en alfabeto, monodies à peine esquissées, diminutions invitant chanteurs et instrumentistes à la plus grande variété, l'audace même ?
La Tarantella mêlait baroque et chants traditionnels. All'improviso invite le jazz, abolissant les frontières, inspirant les dialogues les plus inattendus. C'est d'abord la maîtrise absolue de l'Arpeggiata qui fascine, cette capacité à réagir au quart de tour, sans jamais se répéter, exercice périlleux pour des instrumentistes habitués à suivre les mélismes sur la page. Ils jouent ici sans filet, avec un degré de concentration extrême du regard, de l'écoute. Chacun trouve sa place, laisse s'épanouir sa sensibilité, en sonorités magiques de cordes pincées.
Fête, d'ailleurs, aussi bien pour l'œil que pour l'oreille : là , la guitare baroque (Marcello Vitale), ici, l'archiluth (Eero Palviainen), la beauté austère du lirone (Paulina van Laarhoven), celle, inhabituelle, du psalterion, « gouttes d'eau sur pierres brûlantes » (Elisabeth Seitz), ou encore le violon lumineux, sensuel de Veronika Skuplik. Il y a, toujours à l'affût du swing, le contrebassiste Richard Myron, et Michele Claude, qui est femme orchestre, possédée par le démon du rythme. Pianiste de jazz de formation, Francesco Turrisi dévergonde le clavecin, qui résiste un peu, d'abord, à ces courbes inhabituelles, mais finit par rendre les armes devant tant de virtuosité. Le rapport avec le cornet envoûtant de Doron Sherwin est fusionnel. Et qui mène tout cela, de la harpe, du théorbe, et de sonorités profondes, d'une beauté à pleurer, latines, Christina Pluhar, captivante. Ecouter l'Arpeggiata de Girolamo Kapsberger et mourir.
Convulsive, la danse d'Anna Dego en paraît d'abord accessoire, l'œil ne se lassant pas de la silhouette effilée du théorbe. Mais l'animalité, la violente grâce du geste, Fandango de Santiago de Murcia, embrasent la scène. Comme un prolongement, le chant de tradition ancestrale de Lucilla Galaezzi se nourrit d'une voix de terre natale, gorgée de sève dialectale, posée sur un grave ensorceleur. Ses interventions seraient presque trop rares, si elle ne reprenait en bis Ah ! vita bella, accueilli comme un tube à la seule évocation des fameuses salsicce. Et cet inoubliable dialogue excédé, virtuose Turluru, avec la clarinette de Gianliugi Trovesi, dont la sonorité aura pu, subrepticement, sembler étrangère. Mais cet improvisateur génial saisit la moindre occasion, jongle entre tous les styles, se fait l'écho de toutes les traditions.
La basse quelque peu bousculée de Ohime, ch'io cado de Monteverdi installe d'abord un léger trouble dans la pulsation de Philippe Jaroussky. Mais le contre-ténor, en plus beau timbre que jamais, moiré, moelleux, d'une corporalité nouvelle, trouve rapidement sa voie, déploie un phrasé aérien, s'invente une profondeur née du frisson qui parcourt le dernier vers Che m'uccide e sottement dans Udite amanti de Barbara Strozzi, illumine la virtuosité plaintive d'Accenti Queruli de Giovanni Felipe Sances. Et ce qu'il fera, pris de court, de Ohimé, ch'io cado en bis déniaisé, tient du prodigieux délire.
La Ninna, nanna sopra la romanesca restera le symbole de cette soirée euphorisante, rencontre inédite entre les talents a priori – c'est cela qui, bien souvent, bride le plaisir – inconciliables de Gianluigi Trovesi, Lucilla Galeazzi et Philippe Jaroussky. Christina Pluhar, merci !
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Salle Gaveau, Paris Le 06/12/2004 Mehdi MAHDAVI |
| All'improvviso, récital de l'ensemble l'Arpeggiata sous la direction de Christina Pluhar à la salle Gaveau, Paris. | All'improvviso
Musiques de Kapsberger, Strozzi, Pozzi, Sances, etc.
Lucilla Galeazzi, chant
Philippe Jaroussky, contre-ténor
Gianluigi Trovesi, clarinette jazz
L'Arpeggiata
Marcello Vitale (chitarra battente)
Eero Palviainen (luth & guitare baroque)
Charles Edouard Fantin (luth & guitare baroque)
Elisabeth Seitz (psalterion)
Paulina van Laarhoven (lirone)
Veronika Skuplik (violon)
Doron Sherwin (cornet)
Richard Myron (contrebasse)
Francsesco Turrisi (clavecin)
Michele Claude (percussions).
Anna Dego teatrodanza
harpe baroque, théorbe & direction : Christina Pluhar | |
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