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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre de Paris sous la direction de Guennadi Rozhdestvensky au Théâtre Mogador, Paris.
Maestro lentissimo
Invité depuis une petite décennie à diriger l'Orchestre de Paris, le chef russe Guennadi Rozhdestvensky prenait furtivement part à l'intégrale des symphonies de Beethoven pour la seule 8e, ainsi qu'au cycle Mendelssohn, avec la version révisée de la Symphonie Italienne. Prestations déboussolantes par leur lenteur et leurs partis-pris d'outre-époque.
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Le hasard fait parfois bien les choses. A l'issue d'un concert pour le moins déconcertant, on assistera à la retransmission sur une chaîne du câble du documentaire de Bruno Monsaingeon consacré à David Oïstrakh, dans lequel intervient à maintes reprises Guennadi Rozhdestvensky, y compris sur le podium pour des interprétations stupéfiantes de musique russe.
Quelques heures plus tôt à Mogador, on reste sceptique devant une 8e de Beethoven apathique et ralentie à l'extrême, d'une durée globale de presque quarante minutes. Le ton y est donné d'emblée : son d'orchestre épais et généreux, débordant de cordes, trop lisse pour accrocher l'oreille. Après un premier mouvement presque irrespirable, beaucoup trop legato, l'Allegretto scherzando, bourgeois et collet monté, bonhomme mais jamais ironique, manque de ce style déboutonné qui est la marque de fabrique d'un Beethoven rien moins que respectueux des convenances. Ce soir, seules les révérences empesées du Tempo di minuetto pourraient passer pour de l'ironie.
Mais le plus difficile à défendre reste bien un Finale au tempo littéralement rivé au bitume. Les timbales, noyées dans l'opulente masse symphonique, n'auront jamais le loisir de montrer la virtuosité de l'écriture en octaves dont Beethoven les gratifie comme aucun compositeur dans une symphonie avant lui. Passée la première exposition thématique, on perd complètement la tension dans la répétition, et l'écriture en paraît presque laborieuse dans les transitions harmoniques, avec en lieu d'exaltation rythmique des manières d'ancien régime.
On songe alors à Klemperer dans les années 1960, fortement handicapé et condamné à diriger assis, défendant faute de mieux les mêmes tempi lentissimes. Presque un demi-siècle plus tard, on mettra le Beethoven de Rozhdestvensky sur le compte du rideau de fer, de l'isolement forcé de la Russie soviétique, imperméable à tout nouveau courant interprétatif. Car si dans Tchaïkovski ou surtout Chostakovitch, Rozhdestvensky compte parmi les interprètes de référence, dans Beethoven, il fait au mieux figure d'outsider. Que n'a-t-on confié dans cette intégrale Beethoven de l'Orchestre de Paris la Pastorale à Rozhdestvensky, et la 8e à Janowski ?
Le chef russe se montre autrement plus convaincant dans le Konzertstück de Weber, joué au piano par son épouse Viktoria Postnikova, au remarquable touché, perlé et aérien dans les piano, claquant et en acier trempé dans les forte, particulièrement dans des graves assénés avec une détermination farouche. Et le couple délivre une lecture idéalement narrative et agitée d'une pièce assez rare au concert.
Un Mendelssohn lorgnant vers Schumann
Reste alors une curiosité, l'Italienne de Mendelssohn dans sa version révisée de 1834. Là encore on a du mal à saisir l'attitude du chef russe, qui, pourtant peu préoccupé de musicologie dans Beethoven, a choisi ce soir de présenter la version révisée de l'Italienne, attitude résolument musicologique dont l'apanage est plutôt celui de baroqueux comme Gardiner. L'oeuvre, retouchée en de multiples passages des trois derniers mouvements, gagne en densité ce qu'elle perd en efficacité et en naturel.
Rozhdestvensky, encore trop lent dans le premier mouvement, prend le temps de contempler les arcanes harmoniques, de sculpter un son lisse et épais, dans le sillage des orchestrations de Schumann. Intéressante et bien menée, cette vision qui convient mieux à la version révisée qu'à la version primitive manque toutefois de fougue, de pugnacité rythmique, de cet enthousiasme inextinguible de la jeunesse.
Toute la soirée, l'Orchestre de Paris, ductile, superbe dans ses couleurs, dans sa tenue – des bois très soignés, un tapis de cordes homogène et chaleureux – fait sienne la conception du chef russe. Une soirée insolite et un chef qu'on respectera sans adhérer à sa vision du premier XIXe siècle.
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Théâtre Mogador, Paris Le 13/01/2005 Yannick MILLON |
| Concert de l'Orchestre de Paris sous la direction de Guennadi Rozhdestvensky au Théâtre Mogador, Paris. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie n° 8 en fa majeur, op. 93 (1812)
Carl Maria von Weber (1786-1826)
KonzertstĂĽck pour piano et orchestre en fa mineur, op. 79 (1821)
Viktoria Postnikova, piano
Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)
Symphonie n° 4 en la majeur op. 90, « Italienne » (1833)
Version révisée de 1834
Orchestre de Paris
direction : Guennadi Rozhdestvensky | |
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