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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital de Gérard Lesne et Anne-Lise Sollied, accompagnés par Il Seminario Musicale à la salle Gaveau, Paris.
Quelques parcelles d'un timbre fauve
Envoûtante, déroutante est la voix de contre-ténor, surtout lorsque la couleur en est rare ; fragile aussi. Et combien, attirés par les planches, y ont brisé leur élan de mâle séraphisme. Gloire d'une génération encore pionnière, Gérard Lesne a su préserver quelques parcelles d'un timbre fauve, pour dialoguer de fulgurances haendéliennes avec le clavecin de Blandine Rannou.
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Elle est à l'arrière-plan, concentrée, presque possédée par un démon, celui de Haendel sans aucun doute, virtuose d'un clavecin-star inattendu : Blandine Rannou ose toutes les démesures, jusqu'à un jeu physiquement exubérant, hirsute, pour un théâtre flamboyant, d'une variété essentielle. En formation quasi-monteverdienne mais de son profus, Il Seminario Musicale n'a plus qu'à suivre, s'imprégner, s'inspirer de ces doigts rageurs qui précipitent, impérieux, le récitatif dans les affres de la vengeance. Et le violon de Patrick Cohën-Akenine relaie, pas toujours juste, mais galbé et de graves étreignants Se pietà . Ils sont solistes remarquables, mais sans une once de solipsisme, car Gérard Lesne fédère par l'impulsion commune, et toujours précise.
Un orchestre, si concerné soit-il, ne peut pourtant seul rendre justice aux « plus beaux airs d'opéra de Georg Friedrich Haendel », intitulé un peu racoleur, qui se révèle plus que réducteur pour un programme riche en raretés, dominé par la figure du castrat Senesino, créateur de Giulio Cesare, Bertarido (Rodelinda), Orlando, des moins célébrés Ottone, Tolomeo, Sosarme, et de la seconde version de Radamisto, retaillée à ses mesures : contralto à la voix puissante et homogène, d'élocution et de trille superlatifs, d'après le compositeur et flûtiste Johann Joachim Quantz.
A ce stade de sa carrière, Gérard Lesne ne peut ressusciter de tels fastes. Si le timbre lui échappe, faiblement projeté en lignes souvent brisées, le musicien demeure infaillible. La science de la dynamique lui permet de détourner, par d'inaudibles maniérismes parfois, les fêlures, conservant au chant son panache, son élégance, son mordant, qui est qualité rare chez un contre-ténor. Chaque mot est porté par la même éloquence : Tolomeo et Ottone sont de fin diseur, plus que chantés. C'est dans la hargne véloce de Radamisto que Lesne donne toutefois sa pleine mesure, même si l'aigu ne répond plus. Et de Vivaldi, intrus de génie par son Olimpiade, le contre-ténor français fait le plus éblouissant allié, parvenant toujours à suspendre, par pur artifice, les lignes de Mentre dormi, et transcendant les consonnes fébriles de Gemo in un punto e fremo, de projection soudain évidente.
Dans ses duos haendéliens avec la soprano Anne-Lise Sollied, Gérard Lesne tend malheureusement à disparaître, faute d'harmoniques dominants, peinant à imposer ses phrasés d'instinct savant. Sa comparse ne peut offrir que les délicatesses de manières instrumentales, timbre lumineux et moelleux, sans animer la moindre ligne : Se pietà , cadeau empoisonné, n'est que d'élégante souplesse, de da capo sans ornement, d'expression placide.
Les deux chanteurs peinent dès lors à dialoguer, à se compléter même, par leurs mérites antagonistes, jusque dans un improbable duo mère-fils de Giulio Cesare où les « ah ! » d'une laideur suffocante de Gérard Lesne/Cornelia ne trouvent guère d'écho dans les effleurements virginaux d'Anne-Lise Sollied/Sesto. Et si le bonheur retrouvé de Cleopatra se nimbe d'enjouement au contact de Cesare, le trille commun du Fac ut ardeat du Stabat Mater de Pergolesi donné en bis finit de les séparer.
Heureusement, Blandine Rannou veille !
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Salle Gaveau, Paris Le 18/01/2005 Mehdi MAHDAVI |
| Récital de Gérard Lesne et Anne-Lise Sollied, accompagnés par Il Seminario Musicale à la salle Gaveau, Paris. | Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Extraits de Tolomeo, Ottone, Radamisto, Sosarme, Giulio Cesare
Antonio Vivaldi (1678-1741)
Extraits de l'Olimpiade
Anne-Lise Sollied, soprano
GĂ©rard Lesne, alto
Il Seminario Musicale
direction : GĂ©rard Lesne | |
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