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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concerts de l'Orchestre symphonique de Budapest sous la direction de Jà nos Fürst à la Cité de la Musique, Paris.
Choisis ton camp, camarade !
JĂ nos FĂĽrst
Pour illustrer la thématique de l'artiste face au pouvoir, la Cité de la Musique a choisi de confronter les visions esthétiques et politiques de Beethoven et Chostakovitch. Malheureusement, ni l'Orchestre symphonique de Budapest placé sous la direction de Jà nos Fürst, ni des solistes plus ou moins concernés ne se sont montrés à la hauteur de cette mise en perspective ambitieuse.
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Œuvre hantée par la mort, la 14e symphonie de Dmitri Chostakovitch est comme la réponse, l'écho même, du compositeur gravement malade aux Chants et danses de la mort de Moussorgski, qu'il avait orchestrés en 1962. Mettant en musique onze poèmes de Garcia Lorca, Apollinaire, Küchelbecker et Rilke, cette symphonie pensée comme un cycle de Lieder s'insurge, principalement dans les poèmes d'une rare violence d'Apollinaire, contre l'injustice de la guerre et ses morts gratuites. Chostakovitch déploie une matière orchestrale aride, cinglante, agressive, étouffante, exacerbant les chuintantes et les sifflantes de la langue russe dans laquelle les textes sont traduits.
La lecture de Jà nos Fürst ne dépasse malheureusement jamais le stade de la mise en place, souvent problématique, de percussions dénervées, de contrebasses à l'intonation défectueuse. L'Orchestre symphonique de Budapest ne peut offrir qu'une sonorité sans relief, et ce qui pouvait passer, dans le De profundis de Garcia Lorca, pour une lecture distanciée, bascule rapidement dans l'absence de climat. Si Elena Prokina sait donner chair aux mots et à la dynamique, sa voix manque trop souvent d'angles et de coups de fouet, tandis qu'Igor Mathiukin, souvent indifférent, ne parvient que rarement à se dépêtrer d'une tessiture trop grave.
L'Héroïque de Beethoven qui lui fait face en reste elle aussi au niveau zéro des intentions. Fürst y apparaît comme incapable de maintenir la moindre pulsation, mettant plus d'une fois la plupart des pupitres en péril, notamment des cordes graves insuffisantes et prosaïques. Fluctuant sans cesse dans un flou rien moins qu'artistique, cette lecture annihile toute fougue révolutionnaire. L'Empereur ne sera guère mieux loti, entre orchestre à la sonorité très oubliable et un pianiste qui s'est manifestement trompé d'époque. Le jeu très fluide de Deszõ Rà nki sombre, faute d'ossature, dans un romantisme stéréotypé, bousculé d'éclats parfois virtuoses et de moments de pure beauté sonore, jusqu'à l'hypnose, sans que rien ne vienne esquisser une quelconque forme de discours. Le chef hongrois semble à nouveau totalement désarmé, et l'orchestre se perd en attaques imprécises et en décalages sensibles.
Dès lors, la 12e symphonie de Chostakovitch en paraît d'autant plus implacable dans sa monotonie et ses fracas de circonstance. Commande du pouvoir pour le XXIIe congrès du Parti Communiste, elle illustre parfaitement l'attitude équivoque du compositeur face au régime, parfaitement coulée dans l'enjeu commémoratif – la symphonie est dédiée à la mémoire de Lénine –, mais auréolée d'une insolente vacuité.
Sous la baguette enfin précise de Fürst, l'orchestre affirme enfin une certaine homogénéité, même si les cordes graves ne suivent pas toujours, et ces quatre mouvements enchaînés dans leur monothématisme n'en finissent plus d'avancer jusqu'à l'apothéose finale, brillante, spectaculaire. Face au pouvoir de la musique, chef et orchestre ont enfin trouvé leur camp.
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Cité de la Musique, Paris Le 22/01/2005 Mehdi MAHDAVI |
| Concerts de l'Orchestre symphonique de Budapest sous la direction de Jà nos Fürst à la Cité de la Musique, Paris. | 20 janvier 2005 :
Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Symphonie n°14 pour soprano, basse et orchestre de chambre, op. 135 (1969)
Elena Prokina, soprano
Igor Mathiukin, basse
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie n°3 en mib majeur, op. 55 « Héroïque » (1804)
22 janvier 2005 :
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour piano n°5 en mi bémol majeur, op. 73 « l'Empereur » (1809)
Dezsõ Rà nki, piano
Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Symphonie n°12 en ré mineur, op. 112 « Année 1917 » (1961)
Orchestre symphonique de Budapest
direction : JĂ nos FĂĽrst | |
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