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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Don Giovanni de Mozart dans la mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman et sous la direction de Daniel Klajner au Théâtre du Capitole, Toulouse.
De vraies voix pour Don Giovanni
Ludovic TĂ©zier (Don Giovanni)
Dans la belle acoustique d'un Théâtre du Capitole tout modernisé, c'est une grande satisfaction d'entendre un Don Giovanni servi par de vraies voix d'opéra, avec notamment l'excellent Ludovic Tézier dans le rôle-titre. Avec en prime quelques révélations, comme l'Ottavio de Giuseppe Filianoti, ou l'Elvira de Roxana Briban.
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A l'heure où la mode de la recherche philologique dans le domaine baroque aboutit si souvent à employer des voix qui ne sont que des demi-portions, c'est une vraie satisfaction que d'entendre un Don Giovanni servi par d'authentiques voix d'opéra, même si, parfois, elles vont au delà des décibels normalement souhaités ici, et si l'on n'oublie pas qu'une Birgit Nilsson n'hésita pas à enregistrer Donna Anna.
Nicolas Joel a en effet réuni une distribution magnifiques à bien des égards, et en tous points passionnante. D'abord, et il faut aussi le souligner, phénomène assez rare sur une grande scène internationale, tous les protagonistes ont le physique de leur rôle. Aucun éléphante déguisée en séductrice, aucun obèse tentant de se faire passer pour jeune premier. Belle allure, belle gueule, Ludovic Tézier chante Don Giovanni à la perfection. Le timbre, l'émission, la musicalité, le phrasé, sont exceptionnels. Son interprétation est vocalement élégante, raffinée, homogène, et serait vraiment aujourd'hui difficile à égaler si le chanteur pouvait communiquer à l'acteur une flamme, un élan plus démoniaque, une dimension plus perverse, plus provocante. Il n'est ni statique ni indifférent, mais pourrait s'élancer dans cette course à l'abîme avec plus de mordant encore. Sans doute un metteur en scène plus hardi que Brigitte Jaques-Wajeman parviendra-t-il à lui communiquer cette lumière libertine intérieure qui anima si génialement un Siepi, un Raimondi, un Bacquier, ou un Hampson à ses débuts.
Car, avec de multiples qualités, la mise en scène pêche un peu par excès de sagesse. On ose à peine s'en plaindre, dans le contexte actuel, mais comment ne pas regretter par exemple cette fin très brouillonne du premier acte, alors que d'autres passages bénéficient d'idées originales et qu'au théâtre dramatique, Brigitte Jaques ait généralement été tellement plus audacieuse ? Il y a de très belles idées, comme cette descente progressive au dessous du niveau de la racine des arbres plus le héros se rapproche de l'enfer, ou encore cette légère hésitation de Donna Anna à aller chercher du secours au premier tableau, suggérant que, peut-être, son assaillant ne lui déplaît pas tant que cela, ou encore ce remarquable travail d'éclairages qui change le relief et le climat de chaque scène.
La fluidité du spectacle est d'ailleurs parfaite, les changements de décor à vue désormais possibles sur la scène modernisée et les éclairages assurant une continuité permanente et naturelle d'un tableau à l'autre. Les décors d'Emmanuel Peduzzi, paysages de forêt , comme un non-lieu à la Shakespeare, ou impressionnant cimetière blanc surgi du sol, sont un plaisir permanent pour les yeux et d'une efficacité sans faille. Tout comme ses costumes, d'ailleurs, qui mélangent avec une extrême habileté moderne et ancien, comme si cela allait de soi. Une vraie réussite, encore, dans un domaine où l'on voit tant de laideur et de n'importe quoi sur certaines scènes lyriques.
La grande révélation vocale est le jeune ténor italien Giuseppe Filianoti que l'on entendra au Châtelet dans la production de La Rondine de Puccini. Certes, il y sera encore mieux en situation, car ses moyens, vraiment magnifiques, sont presque trop généreux pour Don Ottavio. Quelle facilité sur toute la tessiture, quelle richesse de timbre et quelle éclat naturel ! Une vraie personnalité qui pourrait bien s'ajouter à la liste des Alagna et Alvarez à qui Nicolas Joel fournit aussi leurs meilleures premières chances. Superbe Donna Elvira également avec la roumaine Roxana Briban, belle plante blonde à la ligne mannequin et à la voix riche, large, souple, capable de fines nuances, menée par un tempérament bien scénique. Plus fragile, la bulgare Alexandrina Pendatchanska est une bien jolie Donna Anna brune, aux moyens incontestables mais un peu poussés dans leurs ultimes limites pour un rôle aux exigences aussi contradictoires.
Véritable double de Don Giovanni, Richard Bernstein est un Leporello dans la meilleure tradition bouffe et dramatique et le couple Zerlina–Masetto est défendu par deux excellents chanteurs français, Karine Deshayes et Nicolas Testé, à la solide voix de baryton vouée sans aucun doute à des emplois de tout premier plan. Et puis, il y a le très musical et puissant Commandeur de Gudjon Oskarsson, impressionnant d'éclat sobre et de présence vocale.
Au pupitre, Daniel Klajner, avec parfois des tempi exagérément rapides ou exagérément lents – mais cela semble être à la mode en ce moment – a correctement maîtrisé ce plateau de jeunes artistes pleins de tempérament et trouvé de beaux accents avec un Orchestre national du Capitole très motivé. Le spectacle a remporté un très gros succès, dans cette ville où l'on sait ce que chanter veut dire et où le Capitole semble plus que jamais à la hauteur de sa vaste réputation internationale.
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Théâtre du Capitole, Toulouse Le 28/01/2005 Gérard MANNONI |
| Nouvelle production de Don Giovanni de Mozart dans la mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman et sous la direction de Daniel Klajner au Théâtre du Capitole, Toulouse. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Don Giovanni, dramma giocoso en deux actes (1787)
Livret de Lorenzo da Ponte
Choeurs et Orchestre du Capitole de Toulouse
direction : Daniel Klajner
mise en scène : Brigitte Jaques-Wajeman
décors et costumes : Emmanuel Peduzzi
Ă©clairages : Jean Kalman
Avec :
Ludovic Tézier (Don Giovanni), Gudjon Oskarsson (le Commandeur), Richard Bernstein (Leporello), Alexandrina Pendatchanska (Donna Anna), Giuseppe Filianoti (Don Ottavio), Roxana Briban (Donna Elvira), Nicolas Testé (Masetto), Karine Deshayes (Zerlina). | |
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