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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert Bach sous la direction de Laure Morabito, avec la participation du contre-ténor Damien Guillon en l'église des Billettes, Paris.
En passant par les Billettes
Damien Guillon
Il est bon, parfois, de s'aventurer hors des sentiers battus des prestigieuses institutions parisiennes, ne serait-ce que pour guetter les perles rares. Dans le cadre intime de l'Eglise des Billettes, Laure Morabito dirigeait du clavecin un programme consacré à Jean-Sébastien Bach, dont deux cantates interprétées avec une déchirante simplicité par le jeune contre-ténor Damien Guillon.
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L'acoustique très aléatoire de la merveilleuse Eglise des Billettes ne permet guère de goûter les plus savants alliages de timbre du Cantor de Leipzig, dispersant les harmoniques jusqu'à rendre la justesse problématique. Les pièces purement instrumentales du programme ne peuvent que souffrir de ces distorsions, et le VIe Concerto Brandebourgeois manque de cohésion, dans les phrasés pourtant enveloppants de l'Adagio ma non tanto, sous la direction précise et intense de Laure Morabito. Sans se départir d'une certaine sagesse instrumentale, le Concerto en la majeur pour clavecin BWV 1055 bénéficie à nouveau de la rythmique infaillible de la claveciniste.
L'attrait principal du concert réside de toute manière dans les cantates, et plus encore dans le chant désarmant de Damien Guillon. Si la lutte avec deux hautbois s'avère quelque peu inégale dans le premier air de la cantate Geist und Seele wird verwirret, le jeune contre-ténor y révèle déjà un phrasé d'un naturel artiste, expressif sans jamais sombrer dans l'expressionnisme aujourd'hui de mise dans cette musique. Le timbre se déploie sur tout l'ambitus avec franchise, évidence même, d'une pureté étale, captivante, qui n'est pas sans rappeler les meilleures années d'Andreas Scholl, dont le jeune chanteur suit l'enseignement à la Scola Cantorum Basiliensis.
Souplesse jamais prise en défaut, récitatif mené sans réserve, d'une diction percutante, Damien Guillon continue de s'affirmer au fil de la Cantate BWV 35, en registres remarquablement homogènes, jusqu'aux plus infimes dosages d'un vibrato superbement maîtrisé. Et la Cantate BWV 170 tirerait des larmes, Vergnügte Ruh, beliebte Seelenlust admirablement conduit, respiré en longues phrases, jusqu'à la suspension. Des alliages de timbres fascinants du traverso de Ruth Unger et de l'orgue d'Eric Ampeau, l'air Wie jammern mich doch die verkehreten Herzen crée un monde impénétrable, dans lequel le contre-ténor se fraie une voie d'imperturbable grâce.
Déjà remarqué parmi les chantres de la maîtrise du Centre de Musique Baroque de Versailles dans un enregistrement du Stabat Mater de Pergolèse signé Vincent Dumestre, Damien Guillon est dans Bach plus qu'une heureuse surprise, une indispensable découverte.
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Eglise des Billettes, Paris Le 29/01/2005 Mehdi MAHDAVI |
| Concert Bach sous la direction de Laure Morabito, avec la participation du contre-ténor Damien Guillon en l'église des Billettes, Paris. | Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Cantate BWV 35 « Geist und Seele wird verwirret »
Damien Guillon, contre-ténor
VIe Concerto Brandebourgeois BWV 1051
Concerto en la majeur pour clavecin BWV 1055
Cantate BWV 170 « Vergnügte Ruh, beliebte Seelenlust »
Damien Guillon, contre-ténor
direction musicale et clavecin : Laure Morabito
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