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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert Schubert du Quatuor Alban Berg dans la série Grands Interprètes à l'Auditorium Maurice Ravel, Lyon.
L'absolu de la moindre inflexion musicale
Temps fort de la vie musicale lyonnaise, la série Grands Interprètes, après avoir invité Alfred Brendel, poursuit sa saison avec le mythique et incontournable Quatuor Alban Berg. Une soirée de haute tenue, à la hauteur de la réputation d'interprètes livrant l'absolu de la moindre inflexion musicale du dernier Schubert.
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Dans la vie culturelle lyonnaise, la série Grands Interprètes, en invitant des artistes de haute stature internationale, assoit la pertinence de la ville au plan musical au même titre que les plus grandes institutions. Cette série de concerts, essentiellement dévolue à la musique de chambre, est du reste l'occasion de retrouver un public exigeant, composé pour une majeure partie de mélomanes avertis. En résulte une grande qualité d'écoute, que l'on ne trouve que trop rarement.
Toutefois, le récent changement de salle nivelle quelque peu cette qualité, la musique de chambre s'accommodant moins bien de la réverbération de l'auditorium que de la sécheresse de l'acoustique de l'Opéra. Plus périlleuse pour les interprètes, car rendant compte du moindre défaut, cette dernière avait l'avantage de situer l'exécution au même niveau que l'exigence des auditeurs ; en revanche, la réverbération, qui permet au son d'un orchestre de prendre une ampleur et une consistance suffisantes dans une salle de grandes dimensions, a plutôt tendance à nuire à la lisibilité d'un ensemble de musique de chambre.
Il faut toute l'excellence du quatuor Berg pour balayer ce problème d'un simple coup d'archet ; leur précision millimétrée permet ainsi à la musique de Schubert de ne pas se noyer dans l'acoustique vaporeuse de l'auditorium. On se rend d'autant mieux compte de la clarté de leur jeu, d'une grande profondeur analytique, filant toujours un parfait amour avec la musicalité la plus exigeante et la plus subtile. Les quatre voix donnent perpétuellement l'impression d'un équilibre idéal et demeurent constamment perceptibles.
De surcroît, dans le répertoire viennois, le quatuor Berg officie sur son terrain de prédilection. Dès la saisissante entrée du Quatuor la jeune fille et la mort, on sent que l'on a d'emblée affaire à une interprétation déchirée et déchirante, qui trouvera son apogée dans le Finale. La lecture des Berg est particulièrement remarquable sur deux plans : la maîtrise du temps, toujours dramatique, servie par une acuité rythmique précise et efficace, et le timbre de l'ensemble, d'une grande beauté plastique, marquée par le raffinement de la texture : pure, soyeuse, idéale. Un parti-pris loin d'un romantisme guimauve, qui donne toute son efficacité au chef-d'oeuvre schubertien.
Le mouvement lent, surtout, se révèle particulièrement réussi, avec un temps contrastant jouant sur l'attente, ainsi qu'un souci de la couleur instrumentale qui trouve sa traduction dans des sons filés fort à propos. Là encore, la technique est au service de la meilleure intention musicale ; ainsi, à la fin du mouvement, le violoncelle entretient la consistance sonore au moyen d'un vibrato assez ample, tandis que les autres pupitres jouent sur un vibrato plus léger afin de dessiner par ce mélange les contours éthérés du dernier accord. Du grand art !
En seconde partie, l'exécution du 15e quatuor, moins poignante, se révèle toutefois avec autant de perfection formelle que sonore. Comme dans le quatuor précédent, tout paraît parfaitement pensé sans que cela ne nuise jamais au jaillissement et à la spontanéité de l'interprétation. Cette soirée schubertienne est donc à marquer d'une pierre blanche, révélant un quatuor Berg désormais mythique au summum de sa maturité. Une excellence rare, propre à faire surgir l'absolu de la moindre inflexion musicale.
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Auditorium Maurice Ravel, Lyon Le 02/02/2005 Benjamin GRENARD |
| Concert Schubert du Quatuor Alban Berg dans la série Grands Interprètes à l'Auditorium Maurice Ravel, Lyon. | Concert de la série Grands Interprètes
Franz Schubert (1797-1828)
Quatuor à cordes n° 14 en ré mineur D. 810, « La Jeune Fille et la Mort » (1824-26)
Quatuor à cordes n° 15 en sol majeur D. 887 (1826)
Quatuor Alban Berg
GĂĽnter Pichler, premier violon
Gerhard Schulz, deuxième violon
Thomas Kakuska, alto
Valentin Erben, violoncelle | |
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