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CRITIQUES DE CONCERTS |
24 novembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre national de Lyon sous la direction de Hans Zender à l'Auditorium Maurice Ravel, Lyon.
Leçon d'espace sonore
Hans Zender
Grande figure de la musique contemporaine allemande, Hans Zender fait partie de ces musiciens dont le génie s'illustre aussi bien dans la composition que dans l'interprétation. L'auditorium de Lyon a choisi de révéler le maître allemand sous ses deux facettes à l'occasion d'un concert exceptionnel, pour une véritable leçon d'espace sonore.
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En défendant ses propres oeuvres, Hans Zender apparaît tel qu'il est : un musicien complet, comme on en rencontre rarement, avec un métier de chef à la mesure de son génie de compositeur. Avec le concours de Gustav Rivinius, co-créateur de la pièce, le maître allemand donne une lecture admirable de son Bardo, pour violoncelle et orchestre, dont l'esprit est très influencé par le bouddhisme.
Magnifique, dense, chargée en expressivité et entretenant des liens étroits avec l'esthétique d'un Zimmermann, l'oeuvre apparaît solidement construite, révélatrice d'une maîtrise hors pair de l'espace. Le spectre sonore en premier lieu, avec une différence d'accord d'un quart de ton entre les deux pianos, qui s'inscrit dans les recherches développées par Zender comme alternative à l'espace sériel, composé de douze demi-tons. Mais également la répartition du son dans l'espace de la salle, caractérisée par un dispositif orchestral qui encercle l'auditeur.
Ce jeu sur l'espace se double d'un souci de la couleur ; le timbre du violoncelle est ainsi transformé par un archet courbe, découvert par Michael Bach, qui permet également au soliste de jouer simultanément sur les quatre cordes. L'instrument, moins réactif aux attaques d'un archet moins robuste, acquiert une saveur à la fois flûtée et légèrement détimbrée. Quant à l'orchestre, il est dans cet ouvrage au meilleur de sa forme technique, prouvant une fois de plus son aisance dans le répertoire contemporain.
Un Bruckner aux textures parfaitement aérées
Suit en seconde partie la 3e symphonie de Bruckner, l'un des compositeurs fétiches de Zender, qui livre une véritable relecture du mystique de Saint-Florian, en donnant un bain de jouvence à une musique communément interprétée de manière surchargée. A l'opposé des standards, la lecture de Zender est très aérée, les différents plans sonores trouvant une lisibilité parfaite pour rendre un espace idéalement équilibré. On reste en admiration devant un tel étagement sonore, qui conserve pourtant une grande unité, et un orchestre sonnant à merveille malgré quelques petites imprécisions. Les bois distillent une belle lumière tandis que, dans les tutti, les cuivres sonnent avec tranchant sans jamais écraser le reste de l'orchestre.
L'ensemble est dirigé au moyen d'une pulsation qui avance toujours suffisamment pour conférer aux cellules rythmiques leur rôle moteur. Mieux, l'espace aéré de Zender permet à l'ouvrage de respirer naturellement et, sans atteindre le temps éthéré d'autres chefs, le chef allemand n'a pas besoin de solliciter davantage le texte pour restituer dans sa nature le temps brucknérien. C'est avec une lecture orchestrale si claire que l'on se rend compte combien le fait de compenser l'aspect massif de l'orchestre brucknérien par une respiration large comme le font nombre d'interprètes peut paraître artificiel. Jamais cette musique, épurée de toute surcharge sans perdre un seul instant en profondeur, n'aura paru si accessible.
Ce concert est donc placé sous le signe d'un espace dompté et littéralement recréé ; une donnée fondamentale, autant pour Zender compositeur que pour l'interprète. Un témoignage décisif d'une grande personnalité trop peu médiatisée en France.
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Auditorium Maurice Ravel, Lyon Le 12/02/2005 Benjamin GRENARD |
| Concert de l'Orchestre national de Lyon sous la direction de Hans Zender à l'Auditorium Maurice Ravel, Lyon. | Hans Zender (*1936)
Bardo, pour violoncelle et orchestre (2000)
Gustav Rivinius, violoncelle
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie n° 3 en ré mineur, « Wagner-Symphonie » (1873)
Version primitive de 1873 (avec le mouvement lent de 1876 et la coda du finale de 1877)
Orchestre national de Lyon
direction : Hans Zender | |
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