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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de l'Otello de Verdi dans la mise en scène d'Andrei Serban sous la direction de Valery Gergiev à l'Opéra Bastille, Paris.
Le quarté gagnant
Reprise très attendue à Bastille de l'Otello d'Andrei Serban inauguré la saison passée, qui devait voir les débuts de Valery Gergiev dans la fosse de l'Opéra de Paris. Entre le chef russe et un trio de tête admirable, Gérard Mortier a raflé le quarté gagnant pour cette production dont la seule mise en scène était l'un des malheureux ratages de l'ère Gall.
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On ne s'attardera pas sur la mise en scène d'Andrei Serban, avec son palmier qu'on croirait sorti de l'Italienne à Alger et sa chorégraphie pathétique sur les Beva con me !, qui même partiellement nettoyée des scories qui l'encombraient l'an passé, ne convainc vraiment à aucun moment, et ne se hisse jamais à la cheville de la partie musicale du spectacle. Mais bien plus que de décors et costumes pas très esthétiques, le travail de Serban souffre avant tout d'une direction d'acteurs inexistante, de héros livrés à eux-mêmes et terriblement manichéens.
Avant toute autre, la plus-value de cette reprise est le fait de la présence dans la fosse de Valery Gergiev. Voilà enfin un vrai chef d'opéra à personnalité, capable de fouetter la matière orchestrale, de soulever des montagnes. Pourtant, passée la secousse tellurique du lever de rideau, on aurait aimé un premier acte aux contours plus tranchants, un geste plus vertical, alors que Gergiev dirige dans l'horizontalité et l'électricité, en surface.
Comme dans Don Carlo à Salzbourg, il lui faut une vingtaine de minutes pour s'immerger dans la partition, et l'accalmie progressive qui prépare le duo d'amour le voit enfin en pleine possession de ses moyens démiurgiques. Il concocte alors le plus bel écrin aux chanteurs, et ménage des silences lourds de sens, dans un magnifique climat nocturne. Et dès le début du deuxième acte, de sa gestique en apparence anarchique émergent un drame à la puissance écrasante, un sens du tragique qui galvanisent l'Orchestre de l'Opéra de Paris – la colère du Maure à fin du III, le meurtre au IV, effrayants de noirceur, de furie aux cuivres – sans jamais l'amener à couvrir le plateau.
Un trio de tĂŞte admirable
Côté vocal, cette reprise est servie par un trio de tête admirable. Très décevant l'an passé, Vladimir Galouzine est apparu métamorphosé. L'émission, seulement verticale, est toujours engorgée, cantonnée dans les forte, le timbre barytonant, l'italien brutal et en rien idiomatique, mais la voix est cette année d'une belle puissance et d'intonation satisfaisante, au service d'un Otello d'un bloc, absolument monolithique, tout de colère et de bestialité. Cette émission incroyablement sombre – au point que le duo final du II en sonne presque comme une joute de clés de fa – et constamment au bord de la rupture est finalement fascinante, comme pouvait l'être en son temps celle de Ramon Vinay. A condition de tomber le bon soir – car c'est avec Galouzine la loterie à chaque représentation –, le ténor russe reste l'un des grands titulaires du rôle.
Aucune irrégularité de ce type avec Carlos Alvarez, Iago comme on n'en avait plus entendu depuis longtemps. Métal luxueux, projection idéalement noire, longueur de tessiture impressionnante, l'Espagnol est l'image-même du baryton-Verdi – des aigus très faciles, un grave somptueux –, un Iago idéal d'arrogance comme de veulerie. Autre perle de cette reprise, la Desdémone fragile et infiniment touchante de Soile Isokoski. Sans l'ampleur vocale de la plupart de ses consoeurs, la Finlandaise défend une héroïne belcantiste, à la superbe mezza voce – de rayonnants aigus pianissimo, confondants de mimétisme avec ceux d'une Schwarzkopf, vibrato ardent y compris. Seul petit point faible de cette nouvelle distribution, le Cassio de Gordon Gietz, dont la crédibilité en scène ne suffit jamais à effacer une voix toute rentrée.
Au final, un bilan très positif, éclipsant très largement la première série de représentations de mars 2004. Une superbe réussite à l'actif de Gérard Mortier qui a raflé avec cette reprise le quarté gagnant !
Prochaines représentations les 24, 27 février, 2, 5, 8 et 10 mars.
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Opéra Bastille, Paris Le 17/02/2005 Yannick MILLON |
| Reprise de l'Otello de Verdi dans la mise en scène d'Andrei Serban sous la direction de Valery Gergiev à l'Opéra Bastille, Paris. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Otello, opéra en quatre actes (1887)
Livret d'Arrigo Boito, d'après William Shakespeare
Maîtrise des Hauts-de-Seine
Choeur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Choeurs de l'Opéra national de Paris
Orchestre de l'Opéra national de Paris
direction : Valery Gergiev
mise en scène : Andrei Serban
décors : Peter Pabst
costumes : Graciela Galán
éclairages : Joël Hourbeigt
préparation des choeurs : Peter Burian
Avec :
Vladimir Galouzine (Otello), Carlos Alvarez (Jago), Soile Isokoski (Desdemona), Gordon Gietz (Cassio), Ekaterina Gubanova (Emilia), Sergio Bertocchi (Roderigo), René Schirrer (Montano), Riccardo Zanellato (Lodovico), Rodrigo Garcia (Araldo). | |
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