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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Liederabend de Sophie Koch accompagnée au piano par Nelson Goerner au Théâtre Mogador, Paris.
Le bonheur de Sophie
Entre ses concerts symphoniques, l'Orchestre de Paris programme régulièrement des concerts de musique de chambre et des récitals dans le cadre assez intime de Mogador. Après le public de l'Opéra de Paris, Sophie Koch devait conquérir celui des récitals. C'est désormais chose faite avec ce Liederabend consacré à Schumann et Schubert, malgré un pianiste translucide.
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Après un début de carrière essentiellement outre-Rhin, la mezzo française Sophie Koch a été littéralement révélée au public parisien par son ardent Compositeur dans l'Ariane de Strauss à Garnier en 2003 puis à Bastille en 2004. En plus d'une voix irradiante et d'une juvénilité touchante, la France a trouvé en elle l'une des meilleures germanistes de sa génération, aux côtés du jeune baryton Stéphane Degout ; aussi peut-elle aborder le répertoire du Lied sans rougir d'un allemand toujours suprêmement idiomatique, sans une trace d'accent.
C'est dans l'éclairage minimal de la scène de Mogador, très réduite en profondeur pour l'occasion, que Sophie Koch gagne la salle, d'un pas élégant et discret. Dans une robe rouge étonnamment ample, sans doute pour cacher un ventre qui laisse présager un heureux événement, la mezzo attend le calme avant d'entamer en toute intimité le Liederkreis op. 39 de Schumann.
Elle habite avec un beau sens de la narration ces tableaux romantiques où l'angoisse de la mort côtoie l'émerveillement du jeune printemps. Le cycle sombre malheureusement dans une certaine monotonie, car l'accompagnement de Nelson Goerner reste peu différencié et toujours très contenu. Les contrastes du cycle demeurent discrets, et en dépit de beaux moments – Waldesgespräch, Auf einer Burg, In der Fremde, Zwielicht – la cohésion de l'ensemble ne convainc pas vraiment. Les couleurs vocales sont pourtant variées et toujours pertinentes, mais le climat – pianistique surtout – trop uniment nocturne.
Dans Schubert, Koch livre une interprétation toujours théâtrale et attentive au mot, avec de très beaux moyens vocaux mais un accompagnement bien pâle et précautionneux – les deux en deux fébriles de Auf dem Wasser zu singen, le flot mécanique de doubles croches de Gretchen. Aussi à l'aise dans l'espièglerie de Heidenröslein ou Der Musensohn, la voix sait se faire fantomatique – Der König in Thule – ou ductile – Du bist die Ruh et un superbe Nussbaum de Schumann en bis – ; mais c'est dans le lyrisme que la radiance des aigus atteint avec bonheur son apogée : Gretchen am Spinnrade et surtout Widmung de Schumann, donné en bis, sont de brillants exemples de la voix ardente et de l'engagement passionné de la mezzo.
On devine ici ou là que la voix serait plus à l'aise dans les grands élans straussiens que dans les miniatures contenues de l'univers de Schubert, mais l'intelligence et le soin qu'apporte l'artiste à son émission et à son élocution emportent l'adhésion. On se demande aussi parfois si la mezzo n'est pas une soprano timide – à l'instar de Christa Ludwig dont elle possède les mêmes mi et fa miraculeux et irradiants – comme le laissent entrevoir un aigu lumineux, un bas-médium pas toujours naturel, ainsi qu'un registre de tête descendant bas dans le grave.
On regrettera que Nelson Goerner ne soutienne jamais Sophie Koch, qu'il joue constamment en retrait, et que malgré la finesse de ses contours, de ses attaques, son jeu s'avère terriblement monochrome. Un très beau récital de l'une des grandes voix françaises du moment cependant, seulement desservi par un accompagnement livide.
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Théâtre Mogador, Paris Le 15/02/2005 Yannick MILLON |
| Liederabend de Sophie Koch accompagnée au piano par Nelson Goerner au Théâtre Mogador, Paris. | Robert Schumann (1810-1856)
Liederkreis, op. 39
Franz Schubert (1797-1828)
Heidenröslein
Ganymed
Auf dem Wasser zu singen
Der König in Thule
Gretchen am Spinnrade
Du bist die Ruh
Rastlose Liebe
Der Musensohn
Sophie Koch, mezzo-soprano
Nelson Goerner, piano | |
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