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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Don Carlo de Verdi dans la mise en scène d'Antoine Bourseiller au Grand Théâtre de Tours.
Don Carlo victime de la démesure
Composé selon les canons du Grand Opéra pour les fastueux moyens de l'Opéra de Paris, Don Carlos est l'oeuvre la plus ambitieuse de Verdi. Si les directeurs de théâtre lui préfèrent le Don Carlo milanais en quatre actes, l'Opéra de Tours a courageusement opté pour les cinq actes italiens de la version de Modène, sans parvenir à renouveler les miracles d'une scène verdienne de haute tenue.
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Antoine Bourseiller voudrait-il sérieusement nous faire croire que cette petite frappe en blouson de cuir entrant lampe-torche à la main dans un hangar désaffecté est l'infant d'Espagne pénétrant dans la forêt de Fontainebleau ? Sans doute, puisqu'il tente de faire passer cette femme fardée en perfecto doré pour la chaste et pure Elisabeth de France. Avec ses rideaux de bandes de latex noir pour seul décor, ses deux paires du très ironique fauteuil « Louis Ghost » de Philippe Starck en guise de trônes, et ses costumes aux couleurs improbables, le metteur en scène français plonge la cour d'Espagne dans les bas-fonds d'une laideur prétendument moderne sans que le moindre projet artistique, la moindre pensée dramaturgique ne vienne troubler le mouvement régulier des sus-dits rideaux.
Emmurés vivants dans cette cour d'une constante noirceur, épiés par des choristes qui pourraient se croire en version de concert, les acteurs du drame verdien traversent en poses ridicules échappées des plus mauvais téléfilms policiers allemands cette production dont le sommet est incontestablement un autodafé digne des mascarades télévisuelles gentiment sado-masochistes de Thierry Ardisson. Monsieur Bourseiller ne devrait pas faire payer ainsi les traumatismes de ses nuits d'insomnie passées devant le petit écran aux chanteurs, empêtrés qu'ils sont dans des rôles qui souvent les dépassent.
Salvador Carbo détaille, plus scolaire que musical, un récitatif initial de belle étoffe, mais le moindre aigu le tyrannise et retire tout crédit à un Carlo empoté jusqu'au suicide final. Avec l'atout d'un aigu apte aux plus belles nuances, Rima Tawil ne dévoile malheureusement que les accents plébéiens, parfois émouvants, d'une Elisabeth à l'émission anarchique, médium tubé et grave désespérément sourd. Plus homogène mais à l'éclat limité, la voix et le chant heurté de Nona Javakhidze lui permettent de traduire sans effort les incessantes vulgarités dont Bourseiller affuble la malheureuse Eboli.
Mais Don Carlo est un opéra de clefs de fa, qui apportent ici quelques consolations. Evgueniy Alexiev n'a même pratiquement rien à se reprocher, sinon une intonation parfois défaillante. Posa au beau métal d'une émission intègre, le baryton bulgare se montre assez fin musicien pour mourir avec une tenue admirable.
Vincent le Texier, Philippe II petit-bourgeois
Sans avoir les moyens d'une véritable basse, dont il parvient par instants à capter les couleurs, Vincent Le Texier fait forte impression dans sa confrontation avec Rodrigo, par la seule intelligence du verbe. Mais cet autodafé de banal parlando, et ce monologue sans ligne, sans soyeux, sans souplesse, font un Philippe II trop petit-bourgeois, même si le comédien, définitivement, en impose. Et dans le combat de titans, l'Inquisiteur de Randall Jakobsch n'a rien de grand, sans dignité et sans creux, graves outrageusement appuyés qui lui saccagent l'aigu, escamoté. Le Moine sépulcral d'Antoine Garcin y aurait été bien plus impressionnant.
A la tête d'un orchestre en bonne forme, Jean-Yves Ossonce ne peut seul faire de miracles. Comme intimidée par la densité de l'oeuvre, la lecture du directeur du Grand Théâtre de Tours peine à trouver une unité, tour à tour intense et bruyante, prosaïque et inspirée, quand ce ne sont pas les cordes graves qui rendent les armes face à la solitude du roi.
Si le dynamisme de la scène tourangelle s'est imposé jusque dans Un Ballo in maschera de belle mémoire, l'ambitieux Don Carlo aura dû s'incliner devant la démesure verdienne.
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Grand Théâtre, Tours Le 25/02/2005 Mehdi MAHDAVI |
| Nouvelle production de Don Carlo de Verdi dans la mise en scène d'Antoine Bourseiller au Grand Théâtre de Tours. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Don Carlo, opéra en cinq actes
Livret de Joseph Méry et de Camille du Locle, d'après le drame de Friedrich von Schiller
Version de Modène en 5 actes (1886)
Choeurs de l'Opéra de Tours
Orchestre Symphonique Région Centre – Tours
direction : Jean-Yves Ossonce
mise en scène et costumes : Antoine Bourseiller
décors : Alexandre de Dardel
Ă©clairages : Arnaud Alingrin
préparation des choeurs : Aurore Marchand
Avec :
Rima Tawil (Elisabeth), Nona Javakhidze (la Princesse Eboli), Magali de Prelle (Tebaldo), Sophie Hervé (une voix céleste), Salvador Carbo (Don Carlo), Vincent Le Texier (Philippe II), Evgueniy Alexiev (Rodrigo), Randall Jakobsch (le Grand Inquisiteur), Antoine Garcin (un moine). | |
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