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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Passion selon St Matthieu de Jean-Sébastien Bach par l'Ensemble orchestral de Paris sous la direction de John Nelson à la Cathédrale Notre Dame, Paris.
Une demi-passion pour Saint Matthieu
John Nelson
Comme chaque année en période pascale, l'Ensemble Orchestral de Paris escalade à Notre-Dame de Paris les grands monuments du répertoire sacré. C'est cette fois au tour de la Passion selon Saint Matthieu du Cantor de Leipzig de résonner dans l'immense nef. Avec un résultat mitigé.
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Cathédrale Notre-Dame, Paris
Le 09/03/2005
Yutha TEP
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Nous vivons des temps étonnants, qui voient un John Nelson entreprendre opiniâtrement la reconquête d'un répertoire baroque qu'on croyait ces dernières années réservé aux ténors du concert à l'ancienne, alors même que les Herreweghe, Leonhardt ou Koopman, en tout cas dans Bach, sont à leur tour débordés par les thèses de Joshua Rifkin – en bref : un chanteur par voix, un instrumentiste par pupitre – ardemment défendues à l'heure actuelle par les Kuijken, McCreesh ou Pierlot. Mais après tout, seul le résultat musical compte, et les rendez-vous pascaux de l'Ensemble Orchestral de Paris à Notre-Dame, largement consacrés au Cantor de Leipzig, sont devenus au fil du temps des soirées très prisées du public.
Pour la monumentale Passion selon Saint Matthieu, les habitués du chef américain n'ont pas été déçus : primauté à la ferveur et à l'intensité spirituelle, au travers de moyens musicaux que peuvent ne pas apprécier les baroqueux purs et durs – inutile de chercher ici un vrai rebond rythmique. Globalement, la vision de John Nelson est défendable, la mise en application d'une efficacité indéniable, mais certaines options – parfois contradictoires – laissent perplexes. On louera ainsi l'attention portée à l'intégration des chorals au discours dramatique mais pourquoi diable, dans le Kommt, ihr Töchter liminaire, demander au double choeur de chanter soudainement moins fort à l'entrée du choral, sachant que la texture musicale s'organise précisément autour et à partir de lui ?
De même, on apprécie la retenue pleine de pudeur que le chef imprime à la première partie de la Passion, mais ne pouvait-on dès lors interdire à Kurt Streit – le gros point noir de la distribution – de littéralement vociférer son Ich will bei meinem Jesum wachen, visiblement sous prétexte de lyrisme ardent, mais en contradiction totale avec le texte, les tendres murmures du choeur et les galbes éperdus d'un hautbois qui utilise pourtant le même matériau thématique que le chanteur ?
La distribution laisse également partagé : l'Evangéliste maintenant classique de Christoph Pregardien s'impose par une classe et une intelligence indiscutables, Stephen Morscheck en Jesus déployant une tenue vocale appréciable, même si on aurait parfois aimé plus d'investissement. Le ravissant soprano de Dorothée Mields est fort lumineux, mais l'indifférence aux mots est très dommageable s'agissant d'une telle oeuvre. C'est cependant toujours mieux qu'une Marie-Claude Chappuis dont la musicalité ne compense en aucune manière un réel manque de personnalité. La prestation de Kurt Streit est à oublier très vite, timbre sans beauté particulière et surtout éclats de voix d'une brutalité injustifiable, alors que Miles promène toujours une voix trop engorgée, et curieusement à court de grave.
Si la beauté de la vision globale peut à la limite racheter les carences solistiques, il est par contre dommage que la Maîtrise de Notre-Dame ne soit pas tout à fait à la hauteur de l'oeuvre : le manque de familiarité avec la langue est un handicap insurmontable, au point de diluer irrémédiablement les invectives de la turba. La Passion n'est qu'en apparence moins difficile que la Messe en si, les exigences se situent tout simplement ailleurs.
En conclusion, une Saint Matthieu intéressante, mais émaillée de trop de scories pour s'imposer réellement.
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Cathédrale Notre-Dame, Paris Le 09/03/2005 Yutha TEP |
| Passion selon St Matthieu de Jean-Sébastien Bach par l'Ensemble orchestral de Paris sous la direction de John Nelson à la Cathédrale Notre Dame, Paris. | Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Matthäuspassion (1724)
Christoph Pregardien, Evangéliste
Stephen Morscheck, Jésus
Dorothée Mields, soprano
Marie-Claude Chappuis, mezzo-soprano
Kurt Streit, ténor
Alastair Miles, basse
Maîtrise de Notre-Dame
Ensemble Orchestral de Paris
direction : John Nelson | |
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