|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
|
Reprise de l'Elektra de Strauss mise en scène par Stéphane Braunschweig sous la direction d'Oswald Sallaberger à l'Opéra de Rouen.
Resurrection en prestigieuse compagnie
Après Bruxelles et Strasbourg, c'était au tour de l'Opéra de Rouen d'accueillir la production de Stéphane Braunschweig pour une Elektra encore plus resserrée, plus concentrée qu'auparavant. Avec un argument de poids : le retour en France de Cheryl Studer en Chrysothémis. Mais la présence de la soprano américaine ne fut pas le seul atout d'une réussite brillante, loin s'en faut.
|
|
Bons baisers d’Eltsine
RĂ©gal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
[ Tous les concerts ]
|
Il y a quelques années, les déboires de Cheryl Studer, qui visait pas moins que le titre quelque peu fabuleux de diva assoluta – avec des résultats parfois catastrophiques et des incidences flagrantes sur sa santé vocale – pouvaient conduire à craindre certaines de ses apparitions en scène. A Rouen, on est vite rassuré : le timbre a presque retrouvé cette onctuosité laiteuse qui fut la sienne, et si le suraigu souffre d'un vibrato trop serré, toutes les notes sont là , et l'incarnation est évidemment grandiose, dans un personnage qui reste, avec l'Impératrice de la Femme sans Ombre, le grand rôle de cette artiste.
Susan Bullock ne s'en laisse nullement compter : passées les premières mesures un peu modestes de son grand monologue d'entrée, c'est une démonstration de solidité à toute épreuve. Les couleurs ne sont pas les plus belles du monde, mais les accents sont percutants quand nécessaire, et les aigus lancés avec assurance, sans que la soprano tente d'évoquer à aucun moment le gigantisme de certaines de ses illustres devancières. Et la composition scénique est magistrale, Elektra tour à tour poignante, morbide ou rouée. Une petit rappel au passage : le public français découvrit l'Anglaise, il y a plus de dix ans, dans Beethoven et Hasse avec
William Christie et Les Arts Florissants. On reste songeur devant le parcours accompli.
Le reste de la distribution ne démérite pas, mais force est d'avouer qu'il est difficile d'exister face à ces deux soeurs, notamment pour la Clytemnestre de la suédoise Ingrid Tobiasson ou l'Oreste de Ned Barth, tous deux fort solides cependant. Tous sont portés par la direction d'Oswald Sallaberger. Le directeur musical de l'Opéra de Rouen recueille manifestement les fruits d'un travail de fond appréciable, qui a fait de sa phalange un instrument d'une parfaite discipline. Lui non plus ne cherche guère à jouer le jeu du gigantisme, préférant soigner admirablement couleurs et plans sonores – en particulier dans l'ambiguïté des harmonies du rêve de Clytemnestre.
La mise en scène de Braunschweig a été remaniée à la mesure de l'Opéra de Rouen, arène domestique tendue de rouge et noir, dominée par une baignoire remplie d'un sang – rappelant l'assassinat d'Agamemnon dans son bain – dans laquelle Elektra plonge finalement les mains une fois le massacre de sa mère accompli. Une subtile utilisation de miroirs permet – ou plutôt oblige – les personnages à se mirer, à affronter leur sauvagerie intérieure, dans une introspection sans complaisance dont nul ne sort indemne. Nulle sauvagerie surjouée, nulle vulgarité, mais l'intensité d'un huis-clos suffocant.
Cette production d'Elektra est en passe de devenir un véritable classique, surtout quand, comme c'est le cas à l'Opéra de Rouen, elle est portée par une distribution de haut vol en parfait diapason avec son chef.
| | |
| | |
|