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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Fin du Festival Brahms de l'Orchestre de Paris et Christoph Eschenbach au Théâtre Mogador, Paris.
L'art des transitions
Contrastes forts pour les deux derniers concerts du marathon Brahms à Mogador. Desservis par le petit protégé de Christoph Eschenbach, l'Américain Tzimon Barto, les concertos pour piano s'évanouissent très vite devant des 1e et 3e symphonies auxquelles le chef allemand avait réservé le plus bel art des transitions.
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On a du mal à saisir ce qui peut attirer un artiste de la trempe de Christoph Eschenbach chez un interprète problématique et atypique comme Tzimon Barto. Ce pianisme insaisissable, entre forte matraqués et piani évanescents à en perdre toute substance, cette digitalité laborieuse, cantonnée dans l'effet et l'instant, ce rubato indécryptable et cette tendance à presser dans les traits sont autant de points d'interrogation.
Si, à l'orchestre, le 2e concerto réserve de très belles plages, le 1er débute très hésitant, lent à en perdre la pulsation, sonore mais sans tension, imposant mais sans vitalité rythmique, et manque de cette sève schumannienne, de cette vigueur de la jeunesse, avant de tomber définitivement sous un premier motif de piano énoncé à l'arrêt, presque dérythmisé. On en ressort assommé : avec en outre cette manière qu'a Tzimon Barto(k) de lapider le clavier quand il se jette sur le ring, c'est Brahms qui sort K.O. dès le premier round.
Restaient heureusement les deux symphonies, pour de tout autres satisfactions. Comme dans ses Beethoven, Eschenbach en garde sous la semelle pendant le premier mouvement de la 1re à laquelle il avait réservé un legato karajanesque, tirant des cordes chauffées à blanc de l'Orchestre de Paris des ressources sonores inouïes dans la capitale. L'Andante, lyrique à souhait, bénéficie du solo de violon nostalgique et chaleureux de Roland Daugareil. Mais c'est dans le dernier mouvement qu'Eschenbach lâche la bride jusqu'à l'éclatant, pour un Finale superbement mené, aux cors et trombones olympiens et wagnériens, au grand thème d'écho beethovénien généreux, très legato et enivrant, avant de cravacher une coda littéralement incendiaire.
Une 3e symphonie magnifiquement mélancolique
Le lendemain, après une entrée en matière dispersée et chaotique, la 3e symphonie trouve son rythme de croisière et un véritable con brio à partir de la reprise, qu'Eschenbach a eu la bonne idée d'observer. Car en véritable piège symphonique, le début de cette 3e reste une bête noire des chefs d'orchestre, avec sa mesure à 6/4 à battre dans un deux temps large sans décomposition. Mais petit à petit s'insinue un magnifique climat mélancolique, avec des bois à la lumière tamisée, et surtout, comme la veille, un art magistral des transitions, digne de l'immense Wilhelm Furtwängler. Cette manière d'habiter par un rubato subtil ces no man's land où la plupart des chefs bâtonnent à qui mieux mieux, de dispenser quelques points d'arrêt ou respirations quasi cosmiques confirment bien l'affinité d'Eschenbach avec ce répertoire.
Il en va ainsi d'un Andante au recueillement religieux, avec ses chorals en apesanteur ; d'un Poco allegretto éploré, aux douloureuses suspensions de violoncelles ; d'un Allegro final poignant dans son thème de combat désespéré aux violons, dans ses développements admirablement gérés, et dans ses grands accords terminaux impeccablement sculptés, posés à l'allemande, le geste précédant nettement le son.
Cette hauteur de vue dans l'architecture, ce soin accordé à chaque détail au sein d'une grande arche, ce tapis rouge déroulé à chaque solo, cette tendresse et cette pudeur sont autant d'éléments qui ne pouvaient, malgré les errances pianistiques des concertos, que conclure en beauté le Festival Brahms de l'Orchestre de Paris.
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Théâtre Mogador, Paris Le 24/03/2005 Yannick MILLON |
| Fin du Festival Brahms de l'Orchestre de Paris et Christoph Eschenbach au Théâtre Mogador, Paris. | 23 mars :
Johannes Brahms (1833-1897)
Concerto pour piano et orchestre n° 1 en ré mineur, op. 15 (1859)
Symphonie n° 1 en ut mineur, op. 68 (1876)
24 mars :
Symphonie n° 3 en fa majeur, op. 90 (1883)
Concerto pour piano et orchestre n° 2 en sib majeur, op. 83 (1881)
Tzimon Barto, piano
Orchestre de Paris
direction : Christoph Eschenbach | |
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