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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Leçons de Ténèbres de Couperin par Emma Kirkby et Agnès Mellon accompagnées par le London Baroque et Charles Medlam en l'église des Blancs-Manteaux, Paris.
Chant baroque de légende
Agnès Mellon
Dans le contexte d'une semaine sainte riche de passions en tous genres, ce concert en l'église des Blancs-Manteaux s'annonçait émouvant : deux légendes du chant baroque, l'Anglaise Emma Kirkby et la Française Agnès Mellon, accompagnées du London Baroque et de son chef Charles Medlam, s'attaquaient aux Leçons de Ténèbres de François Couperin.
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On ne rappellera pas tout ce que le mouvement baroque doit à Emma Kirkby et Agnès Mellon, deux grandes artistes qui, chacune à sa manière, ont contribué à bâtir tout un pan de l'histoire musicale des vingt dernières années. Le monde musical étant cruel à plus d'un titre, des chanteuses plus jeunes et aux voix plus larges sont venues remplacer la génération des pionnières, parfois sans cette compréhension stylistique ni cette intelligence avide d'exploration qui caractérisaient la première génération. Si Emma Kirkby s'est maintenue non sans succès sur les affiches, il n'en va pas de même d'Agnès Mellon, dont ce retour sur la scène parisienne, après plusieurs années d'absence, crée en conséquence une sorte d'événement, comme le confirme une église archi-comble.
Le programme est non moins emblématique, mais d'une difficulté redoutable en terme de contrôle vocale et d'exigence stylistique. Force est d'avouer que la première partie, avec des Ténèbres de Lalande, plus extérieures que celles de Couperin, sollicitant des capacités plus purement vocales, suscite d'abord quelques inquiétudes. Emma Kirkby a perdu de la facilité d'antan, et la prononciation à la française, qu'elle essaie vaillamment d'adopter, ne lui rend la tache plus aisée – des notes fort acidulées et un grave qui se dérobe. Mais quelques pianissimi et tenues dans l'aigu ont suffi pour ressusciter soudainement la gloire passée.
Les changements sont en fait bien plus frappants pour Agnès Mellon. Le contrôle du souffle est problématique, la justesse s'en ressent et le vibrato est prononcé : mais l'intelligence n'a pas failli, l'engagement expressif, et bien sûr l'aisance stylistique, sont étourdissants, tutoyant parfois les limites du bon goût. Mêmes données dans Couperin, où la Troisième Leçon en duo pose de surcroît la question de la disparité des timbres et des styles – Kirkby y est naturellement plus exotique.
Mais deux grandes dames sont ici à l'oeuvre, qui trouvent en particulier le moyen de vibrer ensemble sur les fins de note ! On ne peut que s'incliner devant tant d'efforts et de conviction. De même, on remerciera le London Baroque d'avoir procuré un soutien loyal, entourant les deux chanteuses avec un soin évident. Charles Medlam à la viole de gambe en profite pour offrir des Pompes funèbres d'une beauté étonnante, avec un art du chant et du contre-chant exemplaire.
Une soirée donc marquée par le souvenir, qui prouve que les légendes, malgré les difficultés, ont manifestement la peau dure.
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Eglise des Blancs-Manteaux, Paris Le 22/03/2005 Isabelle APOSTOLOS |
| Leçons de Ténèbres de Couperin par Emma Kirkby et Agnès Mellon accompagnées par le London Baroque et Charles Medlam en l'église des Blancs-Manteaux, Paris. | Michel-Richard de Lalande (1657-1726)
Troisième Leçon de Ténèbres du Mercredy saint
Troisième Leçon de Ténèbres du Vendredy saint
François Couperin (1668-1733)
Trois Leçons de Ténèbres du Jeudi saint
+ ÂŒuvres instrumentales de Purcell et Marin Marais
Emma Kirkby, Agnès Mellon, sopranos
The London Baroque
direction et viole de gambe : Charles Medlam | |
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