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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre de la SWR Baden-Baden und Freiburg sous la direction de Michael Gielen à la Cité de la Musique, Paris.
Michael Gielen, la rigueur hallucinée
L'un des plus passionnants concerts de la saison symphonique, dans une salle au tiers vide. Heureusement, les spectateurs présents n'ont pas boudé leur plaisir, acclamant longuement l'un des meilleurs chefs de notre temps, l'Allemand Michael Gielen. La rigueur incarnée, mais sans jamais sacrifier l'expressionnisme de la Seconde école de Vienne.
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Créateur de l'un des opéras majeurs du XXe siècle, Les Soldats de Zimmermann à Cologne en 1965 et chef allemand légendaire, Gielen est un familier de la Cité de la musique : il en est à sa troisième apparition cette saison. Dans le cycle La France en quête d'identité, le maestro dirigeait son Orchestre symphonique de la SWR de Baden-Baden et Fribourg (ex-orchestre de la Südwestfunk), dans un programme comme il les affectionne, mêlant Wagner et Schoenberg.
Visage impassible derrière d'épaisses lunettes, gestes minimalistes, silhouette étroite, longiligne, lui conférant l'irrésistible allure sexy d'un parapluie, Michaël Gielen, 78 ans, aime surprendre et déconcerter. Coïncidence, ce concert avait lieu le lendemain de la première de Tristan et Isolde à la Bastille et débutait par le prélude de Tristan.
Avec Gielen, rien de la lenteur affectée d'Esa-Pekka Salonen à l'Opéra de Paris, mais une retenue enflant progressivement jusqu'à une intensité dramatique subjuguante. Fin du prélude. Le maestro ne pose pas sa baguette mais enchaîne les dernières notes de la tension chromatique wagnérienne avec les Cinq pièces pour orchestre op. 16 de Schoenberg : rapprochement qui coule de source, paré des mêmes couleurs, la filiation apparaissant plus que jamais évidente.
Gielen signe et souligne : le fameux accord de Tristan fut essentiel pour l'esthétique musicale de la seconde partie du XIXe siècle comme l'est Farben, la plus vibrante des cinq pièces de Schoenberg pour le XXe siècle. Avec Gielen, rigueur ne rime jamais avec froideur. Malgré une apparence certes rigide, c'est par une sorte d'intériorité bouillonnante que le chef communique à ses musiciens son exaltation, en faisant miroiter les richesses sonores de sa formation qui devient superlativement lyrique dans l'apothéose sonore des Variations pour orchestre.
Degré de plus dans la folie expressionniste enfin, avec Erwartung, où la filiation wagnérienne s'impose. Vision de cauchemar d'un subconscient omniprésent, paroxysme de l'angoisse et de l'effroi, Gielen déchaîne son orchestre jusqu'à la douleur, avant de retomber dans l'apaisement. Cette femme, errant dans la forêt profonde à la recherche de son amant qu'elle découvre mort devant la porte de sa rivale, est la soprano danoise Inga Nielsen.
Poignante écorchée vive qui se consume de l'intérieur, elle est hurlement, rugissement, mais aussi raffinement et tendresse. La soprano se souvient qu'elle fut souvent une Salomé vertigineuse et tire l'héroïne de Schoenberg vers le drame straussien avec une sorte d'innocence hallucinée.
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Cité de la Musique, Paris Le 13/04/2005 Nicole DUAULT |
| Concert de l'Orchestre de la SWR Baden-Baden und Freiburg sous la direction de Michael Gielen à la Cité de la Musique, Paris. | Richard Wagner (1813-1883)
Prélude de Tristan et Isolde
Arnold Schoenberg (1874-1951)
Cinq pièces pour orchestre op. 16
Variations pour orchestre op. 31
Erwartung
Inga Nielsen, soprano
SWR Sinfonierorchester Baden-Baden und Freiburg
direction : Michael Gielen | |
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