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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Bernard Haitink dirige Anne Sofie von Otter dans Pelléas et Mélisande au TCE, Paris.
Haitink couleur Debussy
Haut moment du cycle Debussy 2000, l'Orchestre National de France a invité Bernard Haitink pour une version concertante de Pelléas. Ce fut l'occasion de découvrir une nouvelle facette du talent d'Anne Sofie von Otter en Mélisande et la surprise d'entendre le National retrouver une couleur si typiquement française sous une baguette hollandaise.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 14/03/2000
Antoine Livio (1931-2001)
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Un bon chef raconte des histoires, un grand chef raconte l'histoire. C'est à cela que j'ai compris soudain combien Bernard Haitink s'était bonifié depuis qu'il a quitté l'Orchestre du Concertgebouw pour gagner, à Londres et dans le monde, une stature de géant. Sa présence à la tête de l'Orchestre National a conféré à cet orchestre les qualités que nous aimerions toujours lui reconnaître. Sans excès d'aucune sorte, Haitink a su restituer à la partition de Debussy une luminosité et un charme - au sens fort - dont j'avais quelque peu perdu l'intensité.
Sans doute faut-il une version concertante pour que toute notre sensibilité soit enfin uniquement préoccupée du texte musical et de ses beautés. Quelque subtiles, intelligentes et respectueuses que soient mise en scène et scénographie, elles accapareront toujours une part de notre attention au détriment de la musique. Il y a certes des oeuvres qui, privées de l'élément visuel, boitent. Pelléas, non. C'est la force de Debussy, ou sa faiblesse.
Ainsi le personnage principal du drame fut-il, pour une fois, l'orchestre. Un Orchestre National à la fois sage et survolté, tout à l'écoute du bouillonnement des passions et des non-dits. Absolument l'orchestre de Parsifal, mais avec des couleurs françaises, des scintillements de la petite harmonie se fondant parmi les cordes et les rares effets de percussion ponctuant le déroulement inexorable de l'action.
Enfin les personnages n'étant que des voix, il pouvait y avoir un Pelléas à la Kleinsack et une Mélisande poussée en graine, puisque le timbre d'Anne Sofie von Otter sait se fondre dans le mystère orchestral pour être tantôt l'interrogation de la féminité, tantôt son imperturbable égoïsme, ses mensonges et ses rêves. Elle aurait pu être la Mélisande d'Eric Tappy, jadis, mais elle était trop jeune alors. J'ignore scéniquement avec qui et comment elle pourrait incarner l'héroïne de Maeterlinck, mais pour chanter le rôle, elle est incomparable. En revanche Wolfgang Holzmair doit tout apprendre. Si sa ligne de chant est sublime et sa diction presque parfaite, il ne sait ni se tenir, ni faire croire à ce qu'il chante. De sons côté, Laurent Naouri possède de réelles qualités de phrasé, mais il lui arrive de succomber à quelques chuintements qu'il devrait aisément pouvoir supprimer. Le reste de la distribution était plus scénique que concertant : on avait plaisir à les voir (!), mais même s'il y avait d'indéniables qualités vocales, ce n'était pas musicalement à la hauteur des deux rôles principaux.
Mais il y avait le triomphateur du concert, le National qui retrouvait cette vraie couleur française, ce secret des sens et des timbres riches et pudiques. Rien de trop, mais le tout profondément enfoui au coeur de la partition.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 14/03/2000 Antoine Livio (1931-2001) |
| Bernard Haitink dirige Anne Sofie von Otter dans Pelléas et Mélisande au TCE, Paris. | Pelléas et Mélisande de Claude Debussy - poème de Maurice Maeterlinck.
Choeurs de Radio France (chef des choeurs, François Polgar), Brigitte Clair, chef de chant, Orchestre National de France (Luc Héry, violon solo)
Direction musicale - Bernard Haitink
Avec Anne Sofie von Otter (Mélisande), Wolfgang Holzmair (Pelléas), Laurent Naouri (Golaud), Hanna Schaer (Geneviève), Alain Vernhes (Arkel), Florence Couderc (Yniold), Jérôme Varnier (un médecin, un berger). | |
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