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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise du Couronnement de Poppée de Monteverdi mis en scène par David Mc Vicar, sous la direction de Rinaldo Alessandrini à l'Opéra du Rhin.
Entre ascèse et Beverly Hills
Plus que la mascarade people de David McVicar dévoilée en octobre dernier au Théâtre des Champs-Élysées, la présence de Rinaldo Alessandrini constituait le principal attrait de ce Couronnement de Poppée de l'Opéra National du Rhin. Faute d'une distribution suffisamment homogène, le chef italien ne parvient pas à maintenir le fil d'une lecture exigeante de l'ultime opéra de Monteverdi.
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Que resterait-il à la trop belle, trop orgueilleuse Poppée si Claudio Monteverdi ne lui avait composé, au crépuscule de sa vie, les duos les plus sensuels de l'histoire de l'opéra ? Tuée d'un coup pied par Néron alors qu'elle portait son enfant, la voici couronnée starlette dans la villa ultra tendance d'une pop star de Beverly Hills. Décadence pour turpitude, la Californie d'aujourd'hui vaut bien la Rome impériale, d'autant que David McVicar accumule et soigne les détails en directeur d'acteurs sensationnel.
Mais cette propension quasi-névrotique à remplir, voire encombrer le plateau à tout prix se fait aux dépends de l'esprit de l'oeuvre : là où Busenello brouille les pistes, mélange les genres et les classes, le metteur en scène écossais nivelle les contrastes en une parodie aux provocations caduques, sans le cynisme glacé et l'onirisme sordide qu'a su mettre David Alden dans sa production récemment reprise au Palais Garnier, dont l'ombre ici plane bien souvent.
Ce qui réussissait si bien à sa décapante Agrippina de Haendel sent ici le réchauffé en incontournables poncifs de la mise en scène contemporaine : Néron toujours accroc à la coke, scène de shopping, talk-show et téléphone mobile. Il faut pour dénoncer une société corrompue par l'image selon le modèle américain plus que des accessoires : le génie de Peter Sellars à l'oeuvre dans une Theodora reprise ici même l'automne dernier, par exemple.
Clinquant travail d'épigone, cette Poppée maniériste dont l'ornement le plus subtil est l'Allégorie du Temps et de l'Amour de Bronzino, s'accorde bien mal avec la réalisation musicale de Rinaldo Alessandrini, épris, plus qu'aucun autre, de la lettre monteverdienne. Fidèle à l'instrumentarium en vigueur dans les théâtres vénitiens, le chef italien tisse un accompagnement subtil : un clavecin, deux théorbes, un violoncelle, parfois une contrebasse, suffisent à suggérer le drame, au plus près du rythme naturel du chant, de la prosodie même, et des solistes de l'Orchestre Symphonique de Mulhouse, mis à enthousiaste et versatile contribution dans quelques rares sinfonie et ritournelles à quatre voix napolitaines.
Si cet ascétisme instrumental convainc, il n'en est pas moins redoutablement exigeant pour des chanteurs dont l'expressivité se trouve d'autant plus sollicitée. Malgré un évident travail d'appropriation du texte, tous n'en ont pas les moyens, et l'édifice théâtral parfois vacille. Alors que sur eux repose souvent l'essentiel, Francesca Provvisionato n'est que l'ombre d'Octavie, acide, sans grave, d'une désespérance trop ordinaire, l'Othon trémulant looser de Stephen Wallace s'estompe au fil des scènes, et Sénèque même est un Andrea Concetti court et sans souplesse, plus plat que pompeusement docte.
Mais, trop sombre peut-être et imprécise, la Drusilla de Cristina Zavalloni a un tempérament de feu, une rage pour Octavie, Luca Dordolo darde les vocalises de Lucain avec une ardeur obscène, et Annie Gill, jeune voix du Rhin, fait un valet étourdissant de fraîcheur canaille. Jean-Paul Fouchécourt est mieux encore une Arnalta de luxe, capable de la plus hypnotique berceuse comme de la plus épatante sortie.
Et un couple démoniaque d'exception, bien que Néron soit ténor : Jeremy Ovenden, dans ce qui peut être le rôle de sa vie, défend l'option curieuse mais argumentée du puriste Alessandrini d'une déclamation incisive et variée, de couleurs intenses malgré la banalité du timbre, d'une présence surprenante, et Miah Persson, traits et timbre angéliques, par-là même plus perverse encore, par pure maîtrise du style s'envenime.
Prochaines représentations à Strasbourg les 10, 11 et 13 mai, à Colmar les 20 et 22 mai, à Mulhouse les 27 et 29 mai.
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Opéra du Rhin, Strasbourg Le 02/05/2005 Mehdi MAHDAVI |
| Reprise du Couronnement de Poppée de Monteverdi mis en scène par David Mc Vicar, sous la direction de Rinaldo Alessandrini à l'Opéra du Rhin. | Claudio Monteverdi (1567-1643)
L'Incoronazione di Poppea, dramma in musica en un prologue et trois actes (1642)
Livret de Giovanni Francesco Busenello, d'après le livre XIV des Annales de Tacite.
Orchestre symphonique de Mulhouse
Musiciens du continuo de Rinaldo Alessandrini
direction : Rinaldo Alessandrini
mise en scène : David McVicar
décors : Rob Jones
costumes : Jenny Tiramani
Ă©clairages : Paule Constable
chorégraphie : Andrew George
Avec :
Marie Kalinine (Vénus, Amour 4), Cristina Zavalloni (Drusilla, Amour 3), Luanda Siqueira (Damigella, Amour 2, Pallade), Annie Gill (Amour, Valletto), Miah Persson (Poppée, Fortune), Jeremy Ovenden (Néron), Francesca Provvisionato (Octavie, Vertu), Stephen Wallace (Othon), Andrea Concetti (Sénèque), Jean-Paul Fouchécourt (Arnalta), Andrew Watts (La nourrice, Familier 1), Luca Dordolo (Premier soldat, Familier 2, Consul 1), Vincenzo di Donato (Deuxième soldat, Liberto Consul 2), Virgile Frannais (Tribun 2, Familier 3), Sergio Foresti (Mercure, Littore, Tribun 1). | |
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