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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise du Boris Godounov de Moussorgski mis en scène par Francesca Zambello à l'Opéra Bastille, Paris.
La vie pour le tsar !
Après un Tristan déjà légendaire, l'Opéra de Paris embraye sur une reprise du Boris Godounov de Francesca Zambello. Empêtré dans une dramaturgie creuse, le drame ne surnage que grâce à quelques individualités comme le Boris pourtant guère incarné de Samuel Ramey. Un spectacle sans vie, en attendant la deuxième distribution.
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Troisième production de la saison de l'Opéra de Paris signée Francesca Zambello, ce Boris de 2002 reste l'une des mises en scène les plus faibles de l'Américaine. Dans de beaux décors de Wolfgang Gussmann, les chanteurs vivent un grand moment de solitude, égaillés sur le plateau, chacun y allant de son invention pour combler les lacunes de personnages à peine esquissés. Seuls les épisodes choraux semblent travaillés, et dans une esthétique rétrograde à faire regretter le Bolchoï.
De surcroît, l'univers visuel manque cruellement d'unité, entre les traditionnelles icônes de Moscou et un acte polonais tout droit sorti de la Renaissance de Philippe II. N'était Rangoni qui applaudit malicieusement les manigances d'une Marina engoncée dans sa collerette fuchsia, un Boris frais comme un gardon, une scène de Kromy complaisante et mille autres détails qui brisent l'illusion théâtrale, on pourrait s'intéresser de plus près à la seule idée originale de la production : la présence presque constante de l'Innocent.
Samuel Ramey a pour lui la voix du bon Dieu, une projection de métal luxueux, une autorité et une présence naturelle souvent écrasantes. Les années lui ont apporté un magnifique creux dans le grave, à faire pâlir bien d'authentiques basses d'Europe de l'est, mais aussi un vibrato trop large, surtout dans le bas-médium. Sans doute peu inspiré par la production, l'Américain est ce soir un Boris de belle plastique vocale, très chanté mais guère fouillé psychologiquement, trop peu torturé et rongé par le remords. On aura pu remarquer le Pimène inhabituel de Vladimir Vaneev, trop clair de timbre mais bien chantant ; le boyard Chtchelkalov à l'émission bien trempée de Sergei Murzaev ; et le Varlaam de Mikhail Petrenko, archétype de la basse bouffe d'opéra, dans un numéro excellent.
Du côté des voix féminines, on retiendra la Marina au médium vénéneux d'Elena Manistina, le Feodor ingénu et plus vrai que nature mais tout petit de voix de Gaële Le Roi, ainsi que l'Aubergiste très « Borodina » d'Elena Bocharova. Le reste de la distribution n'appelle pas les mêmes éloges, du Dimitri vaillant mais ingrat de Roman Muravitskiy au Rangoni poussif et mâchonnant de Vladimir Ognovenko, en passant par le Chouiski aux petits moyens de Nikolai Gassiev, ou encore l'Innocent trop lyrique de Vsevolod Grinov.
Pour cette première distribution, la direction musicale était confiée à Alexander Vedernikov, chef permanent du Bolchoï, qui brasse beaucoup d'air dans la fosse, dans une lecture opaque, routinière, aux cordes étriquées, sans tension. Le choeur de l'Opéra de Paris s'est de même rarement montré aussi fatigué et imprécis que dans cet ouvrage riche en scènes de foule.
Gageons que le changement de chef et la nouvelle distribution de Dimitri, Pimène et Boris réussiront à redonner au moins à la musique une vie dont le spectacle est de toute manière privé par une mise en scène mort-née.
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Last but not least
Le miracle a eu lieu, et malgré une direction d'acteurs toujours aussi criante d'apathie – que confirment de nombreuses différences dans le jeu scénique d'une représentation à l'autre – la nouvelle distribution a été salutaire au Boris de Bastille.
Au premier chef, la direction d'Alexander Titov surpasse en tout celle de son prédecesseur. Dans des tempi sensiblement similaires, Titov dirige enfin de la musique de théâtre et confère l'ampleur nécessaire au chef-d'oeuvre de Moussorgski, en lui insufflant une énergie, un sens de la construction dramatique qui portent beaucoup mieux le plateau. Une plus-value incontestable.
Osera-t-on en dire autant du Boris de Vladimir Vaneev ? Si son Pimène trop léger avait appelé quelques réserves malgré d'évidentes qualités vocales, la tessiture du rôle-titre est exactement la sienne. Par rapport à ses illustres compatriotes d'antan, Vaneev n'a certes pas le métal phénoménal d'un Ghiaurov ni les résonances abyssales d'un Kipnis ; par ailleurs, la projection, très flatteuse au disque, paraît parfois courte en salle, mais la voix et la technique sont d'une santé remarquable, jusque dans un aigu admirablement assuré. Surtout, le personnage est autrement plus incarné qu'avec Samuel Ramey, notamment dans une scène de la mort bouleversante de vérité.
Le ténor quasi bel cantiste de Viktor Afanasenko est un véritable baume pour l'oreille pour qui a entendu le Dimitri au timbre disgracieux de Roman Muravitskiy, même si la voix manque évidemment d'héroïsme. Enfin, le Pimène impressionnant de stature, rocailleux de timbre et au format d'un autre âge de Gleb Nikolsky achève, abstraction faite d'une intonation pas toujours exacte dans le grave, de redorer le blason du plateau. Même le Chouiski jusqu'alors très limite de Nikolai Gassiev semble trouver un second souffle !
Yannick MILLON
Opéra Bastille, 24/05/2005
MĂŞme distribution, sauf :
Vladimir Vaneev (Boris Godounov)
Gleb Nikolsky (Pimène)
Viktor Afanasenko (le faux Dimitri)
Alexander Titov (direction musicale)
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Opéra Bastille, Paris Le 10/05/2005 Yannick MILLON |
| Reprise du Boris Godounov de Moussorgski mis en scène par Francesca Zambello à l'Opéra Bastille, Paris. | Modest Moussorgski (1839-1881)
Boris Godounov, drame musical en quatre actes et un prologue (1874)
Livret du compositeur d'après Alexandre Pouchkine et Nicolas Karamzine
Version 1874 avec la scène de St-Basile.
Choeurs et Orchestre de l'Opéra national de Paris
direction : Alexander Vedernikov
mise en scène : Francesca Zambello
décors et costumes : Wolfgang Gussmann
Ă©clairages : Franck Evin
chorégraphie : Denni Sayers
préparation des choeurs : Peter Burian
Avec :
Samuel Ramey (Boris Godounov), Vladimir Vaneev (Pimène), Elena Manistina (Marina Mniszek), Roman Muravitskiy (le faux Dimitri), Vladimir Ognovenko (Rangoni), Gaële Le Roi (Feodor), Aleksandra Zamojska (Xenia), Mikhail Petrenko (Varlaam), Alexander Podbolotov (Missail), Nikolai Gassiev (le Prince Chouiski), Sergei Murzaev (Andrei Chtchelkalov), Vsevolod Grinov (l'Innocent), Elena Bocharova (l'Aubergiste), Irina Bogatcheva (la Nourrice de Xenia), Yuri Kissin (Mitioukh), Igor Matioukhine (Nikitich), Alexandre Ekaterininski (Tchernikovski), Sergei Stilmachenko (Lavitski). | |
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