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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Medea de Cherubini mise en scène par Yannis Kokkos et sous la direction d'Evelino Pido au Capitole de Toulouse.
Medea ressuscitée
Anna Caterina Antonacci (Medea)
Avant-dernière production de la saison toulousaine, la Medea de Cherubini dans la mise en scène de Yannis Kokkos est un véritable succès. Dans sa version italienne et une production de très haute tenue, le chef-d'oeuvre de Cherubini retrouve en Anna Caterina Antonacci une interprète à la hauteur du mythe.
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C'est peut-être l'un des opéras les plus épineux du répertoire. Dans la Medea de Cherubini, tout est déséquilibre et pourtant, c'est une impression de grande homogénéité qui s'impose. Créé en 1797, alors que la Révolution n'est pas finie mais commence pourtant à changer de rythme et de climat, cet opéra est issu de temps violents et troublés, ce qui explique certainement la cruauté de son dénouement. Mais il est aussi porté les premiers émois d'un romantisme qui, en Allemagne notamment, bouleverse les données de l'expression artistique.
Les Souffrances du jeune Werther de Gœthe ont été publiées dans leur deuxième et définitive version en 1782. D'où cette alternance de tendresse émotionnelle et de violence déchaînée, et la présence de cette angoisse latente qui apparaît dès les premières répliques de Glauce. La musique a des tournures mozartiennes qui se développent en récits à la Bellini, déjà . Le grand air d'entrée de Medea n'a-t-il pas aussi des allures du Ah Perfido ! de Beethoven qui le précède d'un an ?
Période de mutation en tous domaines, qui explique sans doute pourquoi le rôle-titre est si prépondérant, écrasant, avec aussi des attentions pour d'autres personnages assez secondaires, comme la suivante Néris dotée d'un air de superbe facture. Et puis, il y a cet étonnant solo de basson, somptueux, unique en son genre, qui annonce à sa manière le solo de hautbois de la Damnation de Faust ou celui de cor anglais de Tristan. Partition étrange, passionnante, attachante, mais peu représentée en raison de la difficulté du rôle-titre.
On sait que Maria Callas l'avait remise à l'honneur au début des années 1950. Shirley Verrett en fut l'interprète au Palais Garnier pendant l'ère Bogiankino dans une mise en scène de Liliana Cavani et nous avons tous le souvenir de Leonie Rysanek au Théâtre antique d'Arles, lorsque Bernard Lefort dirigeait Aix-en-Provence et avait décentralisé le festival. Il faut donc une personnalité de toute première grandeur pour s'attaquer à ce personnage si redoutable dramatiquement et vocalement.
Anna Caterina Antonacci n'a rien à craindre de ses illustres aînées. Elle a tout : la beauté physique et vocale, la théâtralité, l'intelligence et l'impact scénique. Voix somptueuse, impressionnante de qualité, de matière, de puissance, sur toute la tessiture, musicale à chaque seconde, expressive, jamais vulgaire ni forcée. Une splendeur qui ne fera que briller davantage encore à l‘avenir puisqu'il s'agissait d'une prise de rôle.
Excellent physique de jeune premier, belle stature, voix sonore et facile, le Jason de Nicola Rossi Giordano est celui d'une jeune ténor qui n'a guère que cinq ans de carrière mais d'incontestables possibilités dans le grand répertoire héroïque italien où il n'y a pas foule actuellement. On a beaucoup apprécié la très musicale intervention de Sara Mingardo en Néris, voix onctueuse, large, sans défauts. La jeune Glauce de Annamaria dell'Oste est également très prometteuse. Giorgio Giuseppini est un Créon sans problème ni éclat particuliers.
Un vrai chef de théâtre
Au pupitre, Evelino Pidó sait mettre en relief ce qu'il y a de plus intéressant dans la partition. Il a le sens de ce phrasé large sans pour autant être encore celui du XIXe siècle, et surtout, il connaît les voix, sait ne pas les couvrir, les mettre en valeur, leur laisser trouver le bon tempo et les aider par des accentuations intelligentes, toujours en circonstance et toujours en rapport avec la mise en scène. Un vrai chef de théâtre !
De son côté, Yannis Kokkos livre une fois encore un travail d'une facture exemplaire : rigueur et beauté des lignes, dans de fausses symétries qui rappellent l'équilibre du monde antique autant que ses dérèglements passionnels, sobriété des costumes hors du temps mais évoquant aussi bien l'époque de l'action que celle de la création de l'oeuvre, et efficacité de la gestuelle, épurée, avec juste quelques reptations très impressionnantes et significatives de l'héroïne, quelques déplacements indispensables aux moteurs dramatiques du livret. C'est beau, et totalement adéquat.
Le spectacle vient au Théâtre du Châtelet à Paris en fin de saison. A ne manquer sous aucun prétexte.
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Théâtre du Capitole, Toulouse Le 19/05/2005 Gérard MANNONI |
| Nouvelle production de Medea de Cherubini mise en scène par Yannis Kokkos et sous la direction d'Evelino Pido au Capitole de Toulouse. | Luigi Cherubini (1760-1842)
Medea, opéra en trois actes (1797)
Livret de Carlo Zangarini d'après François Benoît Hoffmann
Choeur et Orchestre national du Capitole de Toulouse
direction : Evelino Pidó
mise en scène, décors, costumes : Yannis Kokkos
éclairages : Patrice Trottier
Avec :
Anna Caterina Antonacci (Medea), Nicola Rossi Giordano (Giasone), Annamaria dell'Oste (Glauce), Giorgio Giuseppini (Creonte), Sara Mingardo (Neris), Elena Poesina (première servante), Blandine Staskiewiecz (deuxième servante), Frédéric Caton (Un capitaine de la garde). | |
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