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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

8e symphonie de Mahler par l'Orchestre Philharmonique de Radio France sous la direction de Myung-Whun Chung à la Basilique de St-Denis.

Fouillis d'étoiles

Décidément, l'intégrale Mahler du Philharmonique de Radio France et Chung restera une aventure bien singulière. Après des premiers volets erratiques, une 6e de belle tenue, une 7e fantôme annulée pour cause de grève, arrive une 8e en forme d'inimaginable fouillis orchestral, grevée d'avance par le choix insensé de la Basilique de St-Denis comme lieu de naissance.
 

Basilique, Saint-Denis
Le 10/06/2005
Yannick MILLON
 



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  • En ces temps de remise en cause de soixante années de construction européenne, la France semble s'enorgueillir plus que jamais de son exception culturelle. Mais l'exception culturelle française, c'est aussi celle d'une capitale, Paris, considérée non sans élan de cocorico comme la plus belle ville du monde, et cependant contrainte à l'absurde lorsqu'elle veut programmer une oeuvre-monument comme la 8e symphonie de Mahler. Car en guise d'auditorium moderne et adapté, à l'image de celui de Dijon, Mahler aura eu droit à la Basilique de St-Denis, et ses quatre secondes et demi de réverbération !

    Dans ces conditions, on aura bien du mal à évoquer un concert qui vire au carnage sonore, tout particulièrement une première partie transformée en Veni resonator spiritus, défigurée, noyée, insoutenable d'éparpillement, d'échos mêlés. Et comment, pour Chung, réussir une quelconque synchronisation entre tous les intervenants quand les timbales et le cinquième groupe sont relégués dans les bas-côtés de la nef, le timbalier acculé au mur de la Basilique ? Inévitablement, la prestation tourne très vite à la foire aux décalages. La Scène de Faust souffre tout de même moins des lieux, encore qu'on ait l'impression que les cordes ont gardé leurs sourdines et un son cotonneux toute la soirée.

    Tristes écueils, car le peu que l'on perçoit de la direction de Chung est plutôt encourageant : battue large mais dynamique, contrastée, aucun mysticisme à trois sous mais une construction cohérente, dans de très bons rapports de tempi, et un geste qui laisse chanter le texte sans jamais le forcer. Le chef coréen peut même se permettre un moment magique, un Chorus mysticus impressionnant de calme et de conduite des voix dans son immense crescendo, saisissant dans l'envolée lyrique des deux sopranos et dans l'apogée du choeur, même si la conclusion orchestrale n'évite pas une chute de tension due à un second groupe de cuivres trop en retrait.

    Car les carences musicales de cette exécution ne sont pas le fait de Chung, mais d'un Philharmonique à la cohésion douteuse. Les flûtes et les hautbois notamment se seront battus toute la soirée pour imposer leur diapason ! On saluera d'autant plus la performance des choeurs, notamment la maîtrise de Radio France, beaucoup plus disciplinés que l'orchestre.

    Reste la distribution qui, autant qu'on peut en juger, paraît assez homogène. Hormis l'échec d'un Dietrich Henschel vociférant, aux aigus épouvantables, et le soprano sans grâce, au vibrato et au timbre dénués de tout angélisme d'Henriette Bonde-Hansen, les solistes s'en tirent plutôt bien : magnifique Pater Profundus d'Albert Dohmen, granitique à souhait, émission de bronze et aigu de Commandeur ; Doctor Marianus sage mais vocalement très solide et rayonnant d'héroïsme de Stephen Gould ; Mulier Samaritana de belle ligne de Petra Lang ; Gretchen lumineuse de Soile Isokoski ; Magna Peccatrix parfaitement assurée et vaillante de Ricarda Merbeth.

    Dommageables circonstances, car au firmament des symphonies mahlériennes, la 8e n'aura été ce soir qu'un indigeste fouillis d'étoiles.




    Basilique, Saint-Denis
    Le 10/06/2005
    Yannick MILLON

    8e symphonie de Mahler par l'Orchestre Philharmonique de Radio France sous la direction de Myung-Whun Chung à la Basilique de St-Denis.
    Gustav Mahler (1860-1911)
    Symphonie n° 8 en mib majeur (1910)

    Ricarda Merbeth (soprano I, Magna Peccatrix)
    Soile Isokoski (soprano II, Una Poenitentium [Gretchen])
    Henriette Bonde-Hansen (Mater gloriosa)
    Petra Lang (alto I, Mulier Samaritana)
    Lioba Braun (alto II, Maria Aegyptiaca)
    Stephen Gould (ténor, Doctor Marianus)
    Dietrich Henschel (baryton, Pater Ecstaticus)
    Albert Dohmen (basse, Pater Profundus)

    Maîtrise de Radio France
    direction : Toni Ramon
    Choeurs de Radio France
    Wiener Singverein Chor
    direction : Matthias Brauer

    Orchestre Philharmonique de Radio France
    direction : Myung-Whun Chung

     


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