Même s'il avoue sa prédilection pour la musique de chambre, Renaud Capuçon est sans conteste de la race de grands solistes. Il l'a déjà prouvé maintes fois au concert comme au disque, notamment dans son enregistrement des concertos de Schumann et de Mendelssohn. Il s'attaque ce soir à une autre page majeure du répertoire romantique, le très virtuose concerto de Tchaïkovski. Une oeuvre comme celle-ci offre l'avantage d'être très facilement séduisante, mais elle a l'inconvénient de sonner dans l'oreille de l'auditeur par rapport à mille références somptueuses.

Renaud Capuçon se tire avec les honneurs de ce piège. L'ampleur du son, la vélocité des doigts et de l'archet, la sûreté de la justesse, la pureté magnifique des sons les plus aigus, la netteté du phrasé et des traits les plus vertigineux, la maîtrise de tempi si rapides que l'orchestre court parfois derrière, tout concourt à en faire une démonstration de haute école qui prouve que le temps de la maturité est arrivé. Une grande, belle, généreuse interprétation digne des plus grandes salles de concert du monde et pourquoi pas d'un enregistrement.

Lyrisme expansif et rigueur germanique

Vient ensuite la 5e symphonie du même Tchaïkovski. Kurt Masur aborde ces pages d'un lyrisme très expansif avec une rigueur germanique qui les présente sous leur jour le plus positif. On comprend la beauté de l'angoisse sous-jacente sans jamais s'attendrir, on vit avec une intensité profonde les affres de cet affrontement au destin, on admire la beauté et la solidité de l'écriture où les vents ont une présence si magistrale.

Une telle interprétation remet le compositeur à sa vraie place dans le monde romantique, plus près de Brahms, avec cette alliance constante d'inspiration occidentale colorée de rythmes et thèmes typiquement russes, avec un souffle d'ensemble gigantesque. Tous les pupitres de l'orchestre traduisent ce propos avec un engagement absolu, défiant les inévitables approximations sonores de la basilique de St-Denis.

Et dire que pendant si longtemps, on a considéré en France l'oeuvre de Tchaïkovski comme une musique de guimauve bonne tout juste à faire pleurer les jeunes filles de bonne famille. Une absurdité qu'un telle interprétation relègue plus que jamais au rang des plus stupides idées reçues !