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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert d'ouverture du Festival de Lucerne 2005 par le Lucerne Festival Orchestra sous la direction de Claudio Abbado, avec la participation du pianiste Alfred Brendel.
Lucerne 2005 (1) :
Soleil de plomb latin
Affiche prometteuse, le concert d'ouverture de l'édition 2005 du festival de Lucerne annonce une rencontre au sommet entre le mythique Alfred Brendel et Claudio Abbado. Pourtant, après un Beethoven dialectique, le concert sera surtout marqué par une 7e symphonie de Bruckner copieusement plombée malgré ses tempi trop prestes.
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Entre Brendel et Abbado se joue l'art de concilier les contraires, tout au moins dans l'interprétation qu'ils livrent ce soir du 3e concerto de Beethoven. Brendel est analytique, d'une prudente et sobre retenue, magnifiquement mise en valeur dans les passages où il intervient seul. Belle entrée dans le mouvement lent, un phrasé d'une exactitude scrupuleuse, son Beethoven est d'une intériorité longuement mûrie et parfaitement assumée.
À ses côtés, Abbado réalise un compromis entre un accompagnement adéquat et un naturel plus étincelant : un son d'ensemble large, consistant, néanmoins toujours aéré et une expressivité plus extérieure, plus spontanée. Cette dialectique s'exprime d'autant plus dans le Rondo finale, où la latinité du chef contraste avec un pianiste plus stylé dans une vision toujours stimulante et vivement menée.
Mais les qualités d'Abbado dans Beethoven deviennent, maniées à la puissance dix, de pesants défauts dans Bruckner. Le chef italien conduit la 7e symphonie du maître autrichien au moyen d'un tempo toujours allant qui ne respire guère, malgré un parti pris de faire chanter les thèmes au summum de leur expressivité. Au surplus, toute cette latinité se mélange assez mal avec une conception épaisse du son, prenant assise sur des graves denses, des cordes de chair : les pupitres surjouent en permanence si bien que l'orchestre sonne toujours beaucoup trop et, du fait d'une battue rapide et irrespirable, le son n'a jamais la possibilité d'acquérir sa véritable dimension.
Il faut choisir : soit on dégraisse et on peut se permettre des tempi qui avancent à la manière miraculeuse d'un Harnoncourt, soit on laisse s'épancher un son plus consistant dans la lenteur, à la manière de Thielemann. À défaut d'un parti pris cohérent, Abbado plombe l'espace brucknérien et dénature un temps qui n'a dès lors plus rien à voir avec le chantre de Saint-Florian, car dans une telle musique, seul un temps cristallisé permet à un espace si dense de respirer.
Outrances mahlériennes
Comment un chef aussi excellent dans des Wagner et des Strauss très dégraissés peut-il autant plomber Bruckner ? Voilà le bien le seul grand « Mystère » de la soirée. Car Abbado ne se hisse jamais à la hauteur spirituelle de la partition, préférant la théâtralité au mysticisme. La tension dans les répétitions rythmiques montant toujours beaucoup trop vite, jamais la musique ne donne l'impression de s'élever inexorablement. Les cordes ne cessent de s'épancher dans des dessins à l'outrance mahlérienne hors de propos. La substance musicale constamment pressée jusqu'à la dernière goutte de son jus, le climax du mouvement lent n'apparaît plus que comme un écrasement de plus. Au lieu d'un bain de jouvence éternelle, Abbado nous gratifie d'un calvaire que l'on pourrait presque qualifier de christique.
Evacuant toute transcendance au profit d'une expressivité trop immédiate, trop immanente, le chef italien n'a décidément pas la veine brucknérienne. Sitôt envolés les derniers accords d'un Finale massue, quelques longues secondes de flottement révèlent un public assommé par tant de lourdeur. Dans ces conditions, on ne restera donc pas dupe d'une standing ovation aussi pesante que peu spontanée. Logique conséquence sociologique d'un Bruckner étouffé sous un soleil de plomb latin.
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Konzertsaal, Kultur- und Kongresszentrum, Luzern Le 12/08/2005 Benjamin GRENARD |
| Concert d'ouverture du Festival de Lucerne 2005 par le Lucerne Festival Orchestra sous la direction de Claudio Abbado, avec la participation du pianiste Alfred Brendel. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour piano et orchestre n° 3 en ut mineur, op. 37 (1802)
Alfred Brendel, piano
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie n° 7 en mi majeur (1883)
Edition Nowak
Lucerne Festival Orchestra
direction : Claudio Abbado | |
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