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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Mitridate de Mozart mise en scène par Günter Krämer et dirigée par Marc Minkowski au festival de Salzbourg 2005.
Salzbourg 2005 (4) :
Un Mitridate gioco drammatico
Richard Croft (Mitridate)
Avant-goût d'un festival 2006 consacré aux vingt-deux ouvrages lyriques du divin Mozart, Salzbourg propose d'ores et déjà un Mitridate confié à Günter Krämer et Marc Minkowski. L'occasion de vérifier que le questionnement d'une oeuvre, quand une idée forte le sous-tend, peut aboutir à un spectacle passionnant.
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Étrange destinée que celle du roi Mithridate, dont les exploits semblent voués à l'oubli, si l'on en croit le sort réservé au premier opera seria d'un Mozart de 14 ans, autant d'ailleurs que celui de la pièce mal aimée de Racine dont il est tiré. Le livret, très fidèle à la tragédie, avec peu d'aménagements et une reconstruction en trois actes, en est d'une grande qualité, et l'on aurait tort de croire la musique bien en-deçà du grand Mozart de la trilogie Da Ponte : le compositeur prodige y brille déjà d'une imagination féconde, riche d'une grande caractérisation des personnages et des sentiments, et ici ou là point une de ces courbes, un de ces temps suspendus de pur génie.
À première vue, le nouveau Mitridate salzbourgeois joue la carte de la distanciation : pendant que Minkowski décoche une ouverture énervée, sous la sentence Mitridate è morto et devant le reflet dans un astucieux miroir du défilé de petits Mozart mécaniques, les protagonistes du premier acte se chamaillent : théâtre de faux-semblants, de conventions et d'apparences.
L'adaptation de Minkowski, Krämer et Vinikour agace souvent par cette espèce de dérision, comme si l'histoire ne devait pas se prendre au sérieux, et qu'il y avait du giocoso sous le seria. Pourquoi par exemple supprimer la scène de l'aveu dérobé à Aspasie, pour nous servir ensuite Mithridate épiant ses enfants dans la geôle ? Pourquoi cette Ismène devenue personnage central, alors qu'un Arbate silencieux et réduit au quart du rôle joue les lieutenants zélés aux côtés de son souverain sadique ? D'autant plus irritant que la scénographie est très lisible, simple mais d'une grande force, et qu'à l'exception du personnage d'Aspasie, un peu schématique, on est convaincu par le rythme de l'adaptation.
Reste Mithridate, qui espionne, torture, manipule, invente jusqu'à l'attaque des Romains : tout était faux, un gigantesque piège, la dernière machination d'un grand roi déshonoré et résolu à tester la fidélité de ses fils avant de s'ouvrir les veines dans un tableau saisissant. Ce dénouement tragique justifie a posteriori tous les écarts au livret, toutes les coupures : Arbate et Ismène devaient être les complices de cet ultime jeu de la vérité, et les enfants, grandis par leurs épreuves, seront dignes de leur père.
La partie musicale n'est pas en reste. Minkowski et ses Musiciens du Louvre sont très à l'aise dans ce répertoire, même si l'on décèle ici ou là des manies agaçantes, telles ces reprises fantomatiques du violoncelle à la fin des cadences, cette volonté de faire du son au prix d'un legato parfois grossier dans les cordes. Mais cela avance, à défaut de toujours respirer, et ménage bien le retournement amer de la fin.
Les chanteurs alignent tous un style raffiné, à commencer par Miah Persson, à la très belle flexibilité, et qui, n'était un aigu souvent un peu diffus, serait un Sifare idéal. Saluons dans le périlleux rôle-titre la prestation de Richard Croft, qui prodigue peut-être les plus beaux accents plaintifs et suaves de la soirée – da capo sotto voce au I – mais aux aigus un peu courts dans les vigoureux contre-ut de Vado incontro al fato estremo. L'Aspasie ample de Netta Or ravit dès qu'elle allège une émission appuyée et un timbre un peu surfait – superbe plainte dans la prison – et Bejun Mehta se plaît à faire montre d'un grave qu'il n'a pas dans les corone d'airs par ailleurs bien chantés, souvent plus insidieux que vaillants et trop affublés de portamenti.
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