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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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5e symphonie de Bruckner par l'Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Nikolaus Harnoncourt au festival de Salzbourg 2005.
Salzbourg 2005 (5) :
Flagrant délit de contradiction
Un peu plus d'un an après une première confrontation documentée par un enregistrement de référence pour RCA, Harnoncourt et les Wiener Philharmoniker remettent leur 5e de Bruckner sur le métier. Une réussite beaucoup moins évidente, en raison de changements interprétatifs fortement déroutants de la part d'un chef emmêlé dans ses contradictions.
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En juin 2004, nous rendions compte depuis le Musikverein de Vienne de la rencontre entre la 5e symphonie de Bruckner, Nikolaus Harnoncourt et le Philharmonique de Vienne : prestation confondante d'intelligence de l'analyse, de pertinence musicologique. Le disque qui a suivi, issu des concerts en question, n'a eu aucun mal à prendre une place de tête dans la discographie de l'oeuvre par la puissance de ses options interprétatives.
En retrouvant la 5e avec les mêmes interprètes à Salzbourg, on s'attend à un simple renouvellement d'exploit. Mais comme le chef autrichien a plus d'un tour dans son sac et aime à se contredire, c'est avec un étonnement teinté de perplexité que l'on découvre un regard déjà différent sur la partition la plus complexe du chantre de Saint-Florian.
Mettons les choses au clair : Harnoncourt reste Harnoncourt dans les grandes lignes. Son mouvement lent avance avec la même fluidité et la même perfection des jeux rythmiques, ses éclats théâtraux et ses contrastes dynamiques demeurent fulgurants, son choral du Finale est toujours énoncé sans pompe ni alanguissement, et de cette 5e se dégage encore le même sentiment de perfection formelle mêlé d'austérité, loin de tout pathos, qui sont la clé de l'univers monacal du compositeur.
Mais en un an, certains passages ont opéré un sérieux retour vers la tradition : une fois passées la découverte et la période de rodage couronnées par l'enregistrement, Harnoncourt laisse une plus grande place à l'ampleur de la respiration, à des allegros beaucoup plus retenus, mais aussi à des silences qui n'ont jamais eu cette inquiétante parure d'interrogation béante.
Écart significatif : de soixante-treize, la durée globale de l'exécution passe à presque quatre-vingts minutes. Outre un tempo global moins allant, certains passages changent radicalement de visage par leur retenue – entrée en matière et accelerandi du Scherzo, très posés ; double fugue du Finale, et surtout, codas des premier et dernier mouvements, comme nappées d'une monumentalité et d'un legato qui occasionnent un hiatus avec la conception d'ensemble.
Les Wiener Philharmoniker restent l'orchestre brucknérien par excellence – la grâce et l'évidence des bois ; les teintes de bronze du tuba, l'éclat mordoré des trompettes – mais apparaissent souvent fatigués – accrocs des cors, jointures parfois peu propres, difficulté à tenir la lenteur des codas sans chute de tension.
Une 5e dont on peine à suivre le cheminement, et dont la révolution semble s'évaporer en raison d'un chef pris en flagrant délit de contradiction.
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Loin des hommes
De toutes les symphonies de Bruckner, la 5e est la plus intellectuelle et la plus formaliste. Un romantisme effréné s'y égare, autant qu'une lecture purement analytique y demeure ardue. Il faut sans doute y chercher l'attrait particulier qu'elle peut avoir pour un chef d'orchestre aussi paradoxal qu'Harnoncourt : trouve-t-il dans les vastes paysages brucknériens la nostalgie d'un paradis perdu, dans les développements mécaniques du matériau l'évocation de l'ère industrielle en marche, incompréhensible pour le coeur simple d'un homme de terre ?
Quoi qu'il en soit, et au-delà de l'irrévérence du chef, le ton de sa 5e est toujours grave, détaillé, ciselé dans la polyphonie, minutieux dans les rouages des progressions les plus pesantes, mais toujours emprunt d'amertume ou de cruauté. Jamais abstraite, la battue acerbe fouille les profondeurs d'un orchestre équilibré, ni franchement cursif ni excessivement alourdi par des cuivres graves très présents. On est loin des monolithes hiératiques d'une mystique chère au coeur des Kapellmeister des années cinquante, loin aussi d'une dramatisation et d'un goût de l'effet longtemps caractéristiques du travail d'Harnoncourt.
Le pessimisme du propos contamine les épisodes populaires du Scherzo, privés des impulsions rustiques familières du chef, mais toujours dirigés avec une légèreté à peine attendrie. Enfin, le cinglant des fanfares et de la timbale se voilent d'une résignation douloureuse. La forme ressort ainsi moins nettement, le dessin fait place à la matière, sans éviter une certaine mollesse – notamment dans la maladroite coda du Finale.
Chemin de croix intérieur, habité, distendu entre de très beaux bois et des cordes toujours soyeuses. Dommage que le flux reste un peu contemplatif, car l'auditeur risque de rester sur le bord de la route, frustré de drame et plongé dans une oeuvre tentaculaire. Mais au fond, est-il si grave de prendre le temps de se perdre sur des voies si éloignées des hommes ?
Thomas COUBRONNE
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Großes Festspielhaus, Salzburg Le 27/08/2005 Yannick MILLON |
| 5e symphonie de Bruckner par l'Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Nikolaus Harnoncourt au festival de Salzbourg 2005. | Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie n° 5 en sib majeur
Wiener Philharmoniker
direction : Nikolaus Harnoncourt | |
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