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CRITIQUES DE CONCERTS 30 octobre 2024

Concerts des Arts Florissants sous la direction de William Christie à la Cité de la Musique, Paris.

Leçons de fidélité

William Christie est un chef fidèle : aux lieux – la Cité de la Musique qu'il inaugurait il y a dix ans –, aux compositeurs – Charpentier qui baptisa les Arts Florissants –, aux musiciens, et aux chanteurs – Paul Agnew, qui, du théâtre à la chapelle, a su affirmer son incomparable maîtrise du style et d'une vocalité baroque spécifiquement française.
 

Cité de la Musique, Paris
Le 14/09/2005
Mehdi MAHDAVI
 



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  • Il est des rencontres décisives, et celle de William Christie et de Paul Agnew l'a été, incontestablement. En treize ans, pas un grand projet des Arts Florissants ne s'est réalisé sans le ténor britannique, inégalable défenseur des parties les plus périlleuses de haute-contre à la française. Le programme de petits motets de Campra et de Couperin arrive donc comme l'aboutissement de cette collaboration, cette union sacrée même, autour d'une musique trop longtemps orpheline. De la découverte au festival de Beaune à la parution du disque – de ceux que l'on réécoute, souvent –, les raucités suaves de cette voix singulière ont hanté notre chapelle imaginaire.

    A la Cité de la Musique, la déception est réelle, et pour des raisons qui ne sont pas toutes d'ordre musical. Une acoustique tout d'abord, qui sacrifie les finesses de ces pages où l'évidente synthèse des goûts italiens et français nécessite une intime clarté de la déclamation, mais aussi une atmosphère, car cet art de chapelle peine à s'épanouir dans un lieu aussi glacial – l'église des Billettes eût été idéale.

    Paul Agnew, surtout, semble en méforme, audible autant que visible, accumulant les négligences gallicanes, en consonnes peu voluptueuses, les incertitudes musicales, d'une justesse qui parfois défaille, fervent comme par intermittences, sans se raccrocher à des instants de grâce fuyants en fins de phrases. Impossible néanmoins de nier l'évidence de moments d'élévation intenses, que Christie ne relaie pas systématiquement. Il lui faut bien sûr composer avec des dessus de violon sans légèreté, sans vélocité, dans des extraits de la Deuxième Récréation de musique de Leclair réfractaires à l'envol et au rebond, malgré l'énergie qu'il leur insuffle. Mais la viole d'Anne-Marie Lasla, autre fidèle d'entre les fidèles, demeure, savante, sensuelle.

    Charpentier en chaussettes rouge éclatant

    La quasi-résurrection tant attendue du Jugement de Salomon de Marc-Antoine Charpentier prend des allures plus festives – William Christie n'arbore-t-il pas des chaussettes d'un rouge éclatant en un subtil clin d'œil aux robes écarlates portées lors de l'office de rentrée du Parlement à l'occasion duquel cette histoire sacrée fut créée ?

    Défenseur émérite du saint patron des Arts Florissants, le chef franco-américain soigne la ligne et la courbe, ordonnateur brillant et solennel. Les couleurs, pourtant, ne varient guère, si ce n'est dans le duo où les femmes se disputent l'enfant, tandis que les harmonies inouïes du songe de Salomon perdent de leur pouvoir d'évocation. Mais Paul Agnew a retrouvé sa superbe, son latin, et son art de la déclamation en clairs obscurs, et n'étaient les interventions trop chevrotantes pour être divines de Neal Davies, la distribution serait de la plus parfaite éloquence.

    Les vrais bonheurs seront néanmoins purcelliens, dans des hymnes où la discipline d'ensemble fait merveille – Since God so tender a regard Z 143 – ou dans la véritable scène dramatique In guilty night Z 134, où la confrontation entre Saul (Paul Agnew) et le prophète Samuel (Neal Davies) atteint de terrorisants sommets.

    Et sur les nouvelles personnalités qui se distinguent, pour la plupart issues du Jardin des Voix, Paul Agnew jette le même regard attendri que William Christie, comme un passage de relais qui leur enseigne la fidélité.




    Cité de la Musique, Paris
    Le 14/09/2005
    Mehdi MAHDAVI

    Concerts des Arts Florissants sous la direction de William Christie à la Cité de la Musique, Paris.

    13 septembre 2005 :

    François Couperin (1668-1733)
    Audite omnes et expanescite
    Salve Regina
    Usquequo
    Domine
    Respice in me
    Quid retribuam tibi Domine

    André Campra (1660-1744)
    Salve Regina
    Florete prata
    Quemadmodum desiderat cervus
    Insere Domine pectori meo

    Jean-Marie Leclair (1697-1764)
    Extraits de la Deuxième Récréation de musique

    Paul Agnew, haute-contre
    William Christie, orgue et clavecin
    Anne-Marie Lasla, viole de gambe
    Catherine Girard et Maia Silberstein, violons


    14 septembre 2005 :

    Marc-Antoine Charpentier (1645-1704)
    Le Jugement de Salomon (H. 422)

    Henry Purcell (1659-1695)
    In guilty night Z 134
    My beloved spake Z 28
    Since God so tender a regard Z 143
    Oh all ye people clap your hands Z 138
    Oh sing unto the lord Z 44

    Ana Quintas, Maud Gnidzaz, sopranos
    Paul Agnew, Leif Aruhn-Solén, Marc Molomot, ténors
    Marc Mauillon, baryton
    Neal Davies João Fernandes, basses

    Choeur et orchestre des Arts Florissants
    direction : William Christie

     


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