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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création à l'Opéra de Paris du Così fan tutte de Mozart dans la mise en scène de Patrice Chéreau, sous la direction de Gustav Kuhn.
Così en manque de voix
Elina Garanca (Dorabella) et Stéphane Degout (Guglielmo).
Pour son ouverture de saison, l'Opéra de Paris accueille le Così fan tutte de Patrice Chéreau créé au festival d'Aix-en-Provence. Si beaucoup d'encre a coulé cet été, la reprise à Garnier a permis d'appréhender la production avec plus de sang-froid. Même si certains problèmes demeurent, notamment sur le plan vocal.
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Palais Garnier, Paris
Le 18/09/2005
Yutha TEP
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Difficile d'être objectif s'agissant d'un spectacle au sujet duquel les avis les plus passionnés ont été formulés lors de la création à Aix-en-provence cet été. Le déplacement de la mise en scène signée par Patrice Chéreau au Palais Garnier était attendu avec curiosité, d'autant que l'équipe vocale réunie est restée identique. La différence est ailleurs, et de taille : la mésentente publiquement proclamée entre l'Orchestre de l'Opéra et Daniel Harding s'est soldée par le départ brutal du jeune Britannique, et c'est Gustav Kuhn qui s'est vu confier la mission de recoller les morceaux.
Avec le changement d'univers sonore que l'on devine : dès l'ouverture, le Mozart de Kuhn chante, nuance et se meut dans une souplesse appréciable
pour finalement peu à peu adopter une vitesse de croisière un rien monotone. L'orchestre lui-même n'inflige pas d'indignité réelle, mais on l'a connu plus brillant et discipliné. On a bien çà et là quelques belles couleurs, quelques courbes très sensuelles, et les ensembles sont menés avec habileté, mais on cherche en vain les fulgurances grinçantes d'un Harding, qui cherchait, sans doute jusqu'à l'excès, à sortir Così de la joliesse.
Or, c'est précisément le but que semble viser Chéreau. Le monde grisâtre et déglingué qu'imposent les décors de Richard Peduzzi, à mille lieues de tout esthétisme gratuit, rappelle que le livret de Da Ponte dissimule une histoire cruelle, que l'humour de Mozart ne saurait faire oublier le cynisme de la conclusion. Il ne s'agit plus d'un quelconque « doux-amer », car nous évoluons ici dans un « désabusé-amer » que Ruggero Raimondi, au début de l'opéra, confirme en lançant en français un « Et voilà , c'est comme ça, c'est la vie ! »
Force est de reconnaître que, notamment par le biais d'une direction d'acteurs remarquable, le metteur en scène colle parfaitement à son propos, et offre une vision qui peut surprendre – et irriter – par sa grisaille, mais impose une imparable cohérence.
On dit souvent de Così fan tutte qu'il s'agit d'un opéra d'équipe, mais un groupe vocal homogène ne suffit pas forcément à racheter d'éventuelles carences. Au Palais Garnier, on reste sur sa faim. La voix de Raimondi n'a plus la splendeur d'antan – doux euphémisme ! –, mais la présence est indiscutable et le pouvoir du mot intact, même s'il faut prendre sur soi pour supporter une liberté rythmique débraillée.
Mais cela reste un plaisir en comparaison de la prestation d'une Barbara Bonney à l'état vocal consternant, aux dons de comédienne tout relatifs et disparaissant totalement dans les ensembles. Erin Wall est sur-distribuée en Fiordiligi – imprécision des attaques et des coloratures – Elina Garanca sous-distribuée en Dorabella – les moyens sont réellement splendides. Côté hommes, le Guglielmo de Stéphane Degout brille d'une ardeur et d'une jeunesse vocales éclatantes, laissant loin derrière lui Shawn Mathey – annoncé et réellement souffrant –, dont on a seulement pu deviner des capacités de toute façon modestes en terme de volume.
Au final, ce sont ces multiples déséquilibres qui empêchent de jouir pleinement d'une production qui fera certainement encore parler d'elle.
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