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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création à Tours de l'Iphigénie en Tauride de Gluck mise en scène par Bernard Pisani, sous la direction de Jean-Yves Ossonce.
Iphigénie en Touraine
Malgré des moyens limités, l'Opéra de Tours s'est imposé comme l'un des théâtres les plus dynamiques de l'hexagone. Jean-Yves Ossonce a en effet su fidéliser de jeunes chanteurs français parmi les plus prometteurs. Si l'Iphigénie en Tauride d'ouverture illustre parfaitement cette mission, elle vaut avant tout pour la direction exemplaire du chef français.
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A la tête de l'Opéra de Tours depuis 1999, Jean-Yves Ossonce est l'un des rares chefs d'orchestre à s'être vu confier la destinée d'un théâtre lyrique. On s'en félicite d'autant plus que le chef français a créé un véritable laboratoire, accordant sa confiance à de jeunes chanteurs français parmi les plus prometteurs, auxquels il a su offrir, au sein d'une maison où l'esprit de troupe perdure le plus souvent pour le meilleur, des prises de rôles aussi audacieuses que réfléchies – et ce, jusqu'à négliger, peut-être, sa propre carrière.
A l'occasion de cette première tourangelle d'Iphigénie en Tauride, il livre en effet une lecture exemplaire de la dernière tragédie lyrique de Gluck. Tournant résolument le dos à une certaine tradition wagnérienne – qui serait d'ailleurs en totale contradiction avec les dimensions de la fosse, et partant, avec un effectif orchestral limité en toutes circonstances à une petite cinquantaine de musiciens –, le chef français a parfaitement assimilé la leçon des baroqueux. Outre des formats vocaux dégraissés, l'orchestre adopte un vibrato resserré, ainsi que les effets de tremolo coulé spécifiés par le compositeur.
Mais c'est bien la conduite dramatique de l'ensemble qui fait tout le prix de cette interprétation. Dès la tempête initiale, Jean-Yves Ossonce entraîne un orchestre de fort belle tenue dans la plus inéluctable des tragédies, en éclairages subtils et dynamiques des accents et des alliages de timbres, osant tous les angles et les âpretés du discours. D'une élocution soignée, les choeurs de l'Opéra de Tours répondent à ce tourbillon par davantage d'énergie que de distinction, quand l'intonation des Prêtresses se trouve noyée dans un vibrato peu contrôlé.
Il est vrai que les mouvements de foule initiés par Bernard Pisani ne leur confèrent aucun maintien, en processions sans but véritable, dont ni les décors rocailleux, et plus poussiéreux encore, ni les costumes aux couleurs ingrates, ni plus ni moins antiques qu'orientaux de Luc Londiveau, n'atténuent l'absence de piété tragique, aggravée in extremis par l'apparition d'une Diane d'opérette. Et la direction d'acteurs ne serait qu'absolument convenue si elle ne nouait de si tendres, si puissants liens entre Oreste et Pylade.
D'une nature altière, l'Iphigénie de Cynthia Haymon est la première à souffrir de cette mise en place négligemment littérale, actrice souvent maladroite, qui de la reconnaissance d'Oreste ne retire qu'un plaisir de midinette. De même, son timbre naturellement racé n'est relayé que par une technique fuyante et une intonation particulièrement défaillante lorsque soumise à de grands intervalles. Lui manque surtout cette indispensable fermeté de la ligne gluckiste qui, sans être de marbre, se doit de projeter le mot avec autorité.
Chez le Pylade de Sébastien Droy, déjà parfaitement chantant, cette noblesse est assurément en devenir, le phrasé un rien scolaire encore, et le timbre légèrement anonyme, tandis que Pierre-Yves Pruvot, tel Thoas, uniformément claironne.
A l'unisson de la lecture orchestrale de Jean-Yves Ossonce, seul se hisse finalement Jean-Sébastien Bou. Malgré un chant parfois forcé, le baryton français fait sienne la redoutable tessiture d'Oreste, attentif aux mots, et plus encore a leur sens, et acteur superbement intense.
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