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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création à Paris de la Walkyrie de Wagner mise en scène par Robert Wilson et sous la direction de Christoph Eschenbach au Théâtre du Châtelet.
Ring 2005-2006 (2) :
Une Walkyrie sonnante et trébuchante
Peter Seiffert (Siegmund) et Petra-Maria Schnitzer (Sieglinde).
Cuisant échec que ce deuxième volet du nouveau Ring du Châtelet. Christoph Eschenbach se noie dans des péchés de chef trop peu habitué à la fosse et la distribution qui affiche un Wotan épouvantable est seulement rachetée par l'excellence des jumeaux. Les images inégales de Bob Wilson ne sauvent pas une soirée pleine d'incidents et de tensions.
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Décidément, Christoph Eschenbach a vraiment du mal à tenir son premier Ring. Après un Or du Rhin mi-figue mi-raisin, le chef allemand, à des années lumière de ses déclarations d'intention sur un Wagner chambriste et transparent, fait tourner la Walkyrie à la débauche de décibels et d'effets outranciers, dans une lecture fébrile et brouillonne. Gâté par un rubato prévisible où chaque épisode piano est ralenti, le I commence pourtant par l'un des plus beaux orages que l'on ait entendus. Mais à l'arrivée de Hunding, la machine s'enraye, et Eschenbach montre ses limites de chef d'opéra en imposant une lenteur suffocante qui gêne les chanteurs au point de provoquer de sérieux décalages.
En résulte une fin de première acte sous tension, une anxiété palpable chez un orchestre déboussolé – les cors qui minorisent un accord majeur dans le motif de l'épée. Dès lors, la raideur, la crispation ne quitteront plus le chef allemand, qui ne respire jamais avec les vents et entraîne une mise en place constamment malmenée. Quel gâchis quand on songe aux superbes couleurs des cuivres, à l'excellence des cordes de l'Orchestre de Paris !
Mais plus encore, cette Walkyrie est défigurée par le principal rôle masculin. À ce stade, le Wotan exécrable et archi-faux de Jukka Rasilainen n'est plus une paille dans la distribution, mais une poutre. Comment peut-on laisser chanter la rage, le désespoir puis la clémence du dieu des dieux avec ces accents plébéiens, cette émission poussive et ouverte, cette intonation d'ivrogne qui ruine littéralement le III ?
Malheureux expédients à côté desquels les limites de la Brünnhilde de Linda Watson passeraient pour des trésors. L'Américaine fait parfois penser à sa compatriote Deborah Polaski : même personnage d'emblée très femme, même médium charnu, mêmes raideur et souci d'intonation dans l'aigu – les appels du II qui bradent leur contre-ut au demi-ton, le Der diese Lieb du III qui pilote les notes de passage en rase-mottes. Pourtant, les derniers instants avant l'endormissement sont d'une belle ardeur.
Des jumeaux proches de l'idéal
Heureusement que l'on dispose d'un couple de jumeaux quasi idéal pour maintenir l'intérêt du plateau. La Sieglinde de Petra-Maria Schnitzer est la perle de la distribution : rayonnante de féminité, d'engagement, suprême technicienne de surcroît – contrairement à son Elsa de Bayreuth, les aigus, parfois un peu pointus, ne plafonnent jamais. Le Siegmund de Peter Seiffert, bridé par la gestuelle, a de la vaillance – les Wälse ! sur un souffle en béton –, et un aigu éclatant. Il lui manque seulement le grave, ce fondement barytonnant si typique du rôle. Le Hunding impressionnant de noirceur et de volume de Stephen Milling se contente de faire un effet bœuf ; la Fricka de Mihoko Fujimura d'étaler un organe somptueux.
Quant aux images de Bob Wilson, elles peinent parfois à habiter le drame dans la longueur – une Annonce de la mort sommaire. Si quelques tableaux sont d'une suffocante beauté – l'offrande de l'eau à Siegmund ; la maïeutique de Wotan, allongé sur une planche inclinée –, l'imagerie semble moins idéalement convenir au théâtre psychologique de la Walkyrie qu'aux atmosphères mythiques de l'Or.
Une dernière chose, pourquoi cet abrégé schématique et souvent fantaisiste en guise de surtitrage, où certaines tirades sont résumées en deux lignes ? Car en sortant du Châtelet, on reste sur l'impression d'une Walkyrie trébuchante, à l'image de saluts aussi fébriles que la représentation, où les femmes se prennent les pieds dans leurs robes, où Eschenbach trébuche à son tour en faisant saluer l'orchestre.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 21/10/2005 Yannick MILLON |
| Création à Paris de la Walkyrie de Wagner mise en scène par Robert Wilson et sous la direction de Christoph Eschenbach au Théâtre du Châtelet. | Richard Wagner (1813-1883)
Die Walküre, première journée, en trois actes, du festival scénique l'Anneau du Nibelung (1870)
Orchestre de Paris
direction : Christoph Eschenbach
mise en scène et scénographie : Robert Wilson
costumes : Frida Parmeggiani
Ă©clairages : Robert Wilson & Kenneth L. Schutz
Avec :
Peter Seiffert (Siegmund), Stephen Milling (Hunding), Jukka Rasilainen (Wotan), Petra-Maria Schnitzer (Sieglinde), Linda Watson (BrĂĽnnhilde), Mihoko Fujimura (Fricka), Jennifer Wilson (Helmwige), Annalena Persson (Ortlinde), Eszter SĂĽmegi (Gerhilde), Priti Gandhi (Waltraute), Marie Lenormand (Siegrune), Deanne Meek (Rossweisse), Daniela Denschlag (Grimgerde), Annette Jahns (Schwertleite). | |
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