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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Version de concert de Daphne de Richard Strauss avec Renée Fleming et sous la direction de Semyon Bychkov au Carnegie Hall de New York.
Fragments d'éternité
Véritable paradoxe que celui de la célèbre cantatrice américaine Renée Fleming. Tout juste deux semaines après une Manon surprenante d'inégalité, la blonde soprano, entourée d'une distribution idoine et soutenue par la direction éminemment coloriste de Semyon Bychkov, gratifie ses nombreux admirateurs d'une prise de rôle historique.
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Prise de rôle : la nuance est urgente, la présente tournée américaine de la WDR de Cologne ne venant que se greffer à une première série de concerts donnés en Allemagne il y a quelques saisons. Toutefois, elle appelle une rétrospective, une sorte d'état des lieux, du moins pour le public new-yorkais, largement gâté par le nombre des apparitions locales de la chanteuse ces dernières années. Gâté, mais aussi perplexe.
Après un Pirata bellinien qu'on qualifiera, au mieux, d'erratique ; après une Traviata bouleversante d'intériorité mais néanmoins originale ; et après une Rodelinda de plasticité somptueuse, même si à des années lumière de la planète stylistique handélienne, Renée Fleming renoue, bien que trop brièvement, avec ses plus grandes réalisations, celles qui lui assurent une place éternelle au firmament lyrique.
D'une Thaïs et d'une Rusalka, cette Daphné straussienne semble bien l'héritière directe, naïade de vocalité que l'on ose qualifier de miraculeuse, vierge tutélaire transcendante de vérité psychique. C'est qu'ici, le texte ne permet pas à l'actrice de surjouer, la caractérisation apparaît parfaite, mélange mystérieux de passivité, d'innocence, de pureté. L'écriture est assassine, mais l'aigu céleste, presque irréel. Et que dire sur la voix en elle-même qui ne soit que vaine redondance : les couleurs, d'une palette infinie ; le souffle et le legato, d'orfèvre ; le timbre, l'un des plus beaux du monde.
Une distribution au faste prodigieux
Le reste de la distribution aussi est d'un faste prodigieux. Le jeu de Roberto Saccà en Leukippos, même si inévitablement limité dans l'espace, est confondant d'authenticité. Celui de Johan Botha en Apollo, certes plus anonyme, sied merveilleusement à la figure emblématique flamboyante du Dieu-Soleil, qui est aussi celui de la musique et patron des arts. Quant à Anna Larsson, sculpturale contralto suédoise que les festivaliers aixois découvriront avec bonheur en Erda de l'Or du Rhin dès l'été prochain, elle tisse une Geia superlative dans l'expression de sa maternité.
À leurs côtés, le Peneios de Robert Holl, pas toujours franc d'émission mais fièrement campé, des nymphes tentatrices exquises de fraîcheur et un choeur de pêcheurs d'une beauté crépusculaire. Officiant au chaste rituel, Semyon Bychkov, à la tête d'un orchestre noble et exemplaire, semble résoudre un autre paradoxe, celui de l'équilibre orchestral straussien, lyrique et symphonique à la fois, dans un travail d'une sublime alchimie.
Au cours du rapide entretien qu'elle nous accorde à l'issue de la représentation, Renée Fleming écarte d'emblée toute prise de rôle officielle à la scène, de même que toute reprise concertante : « Never
I'll never do it again ! ». Soit. On peut seulement souhaiter que la belle, dans un accès de pur altruisme artistique, reconsidère sa décision de laisser cette fugitive et stellaire Daphne s'évanouir, avec le soleil couchant, dans la nuit éternelle.
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Carnegie Hall, New York Le 15/10/2005 Renaud LORANGER |
| Version de concert de Daphne de Richard Strauss avec Renée Fleming et sous la direction de Semyon Bychkov au Carnegie Hall de New York. | Richard Strauss (1864-1949) :
Daphne, op. 82 (1936-37)
Version de concert
Choeur d'hommes de la WDR
direction : Jorg Ritter
Orchestre symphonique de la WDR de Cologne
direction : Semyon Bychkov
Avec :
Renée Fleming (Daphne), Johan Botha (Apollo), Anna Larsson (Gaia), Roberto Saccà (Leukippos), Robert Holl (Peneios), Eike Wilm Schulte (Premier Berger), Jorg Schneider (Second Berger), Gregory Reinhart (Troisième Berger), Charles Temkey (Quatrième Berger), Julia Kleiter (Première Nymphe), Susanne Bernhard (Seconde Nymphe). | |
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