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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre national de France sous la direction d'Ingo Metzmacher, avec la participation du pianiste Cédric Tiberghien et de l'ondiste Valérie Hartmann-Claverie au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Sur la mĂŞme longueur d'onde
Ingo Metzmacher
Cette apparition d'Ingo Metzmacher à la tête du National restera l'illustration d'une rencontre au sommet. Après une Sixième Symphonie de Hartmann où l'orchestre a du mal à se fondre dans la vision du chef, une Turangalîla chauffée à blanc remet tout le monde sur la même longueur d'onde pour servir au mieux les délires sonores du divin Messiaen.
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La venue d'Ingo Metzmacher à la tête de l'Orchestre national de France en mars 2004 avait occasionné un concert à marquer d'une pierre blanche. Ce soir, le National peine dans un premier temps à s'approprier la virtuosité et la motorique néo-baroque de la Sixième Symphonie de Hartmann, même s'il en restitue avec beaucoup de véracité timbrique les chocs de la percussion, notamment dans une partie de timbales très sollicitée et magnifiquement assurée.
Mais il faut dire que dans la nouvelle acoustique du TCE, l'arrière de l'orchestre acquiert un relief inédit au détriment des cordes – déjà talon d'Achille des formations françaises – qui, ainsi placées sous le cadre de scène, demeurent très en retrait. De même, l'attaque de la fugue pâtit d'altos puis de violons sans mordant d'archet. Dommage, car Metzmacher, qui reste tant au concert qu'au disque l'un des grands défenseurs de cette musique souvent aride, en maîtrise parfaitement l'univers si proche de Hindemith.
Un Messiaen sans alanguissement ni mièvrerie
Si les cordes se perdent aussi dans la cosmogonie exultante de la Turangalîla-Symphonie, l'implication de l'orchestre y est tout autre. Metzmacher annonce d'emblée la couleur : son Messiaen sera vif, rigoureux dans sa rythmique, fermement énoncé – un thème-statue inébranlable –, sans alanguissement ni mièvrerie aucuns, mais toujours souple et attentif aux irisations multiples d'une orchestration parmi les plus riches de l'histoire de la symphonie.
Et si à Salzbourg cet été, Bertrand de Billy n'avait pas toujours su injecter une dose suffisante de joie à un RSO Wien très appliqué, la Joie du sang des étoiles jaillit ce soir frénétiquement, à la hauteur des délires sonores les plus extravagants, tout en bénéficiant d'un équilibre orchestre-ondes Martenot bien supérieur.
Visuellement, il y aurait presque dichotomie entre la coiffure branchée, l'air absorbé, presque préoccupé du jeune trentenaire Cédric Tiberghien, et le look appliqué, l'assurance tranquille de l'ondiste Valérie Hartmann-Claverie. Si la seconde, à l'aise au point de jouer ce monument de soixante-quinze minutes par cœur, dialogue comme elle respire avec les solistes de l'orchestre, le premier, chez qui on louera un jeu d'une belle sobriété, exempt de toute dureté, reste parfois un rien timide et effacé dans les passages les plus déchaînés.
Mais dans l'apaisement de Jardin du sommeil d'amour, la modération de Tiberghien fait des merveilles, et sa finesse, l'élégance de son détaché servent au mieux des chants d'oiseaux finement dentelés. La flûte et la clarinette, mêlées aux divagations stellaires de l'onde, versent au mieux dans l'éther serein de ce véritable jardin suspendu.
Puis Metzmacher, après avoir trouvé le juste climat d'un Chant d'amour II qui se souvient de Debussy, joue dans Développement de l'amour de cassures abruptes, d'éclats soudains, culminant dans un coup de tam-tam terminal absolument ahurissant. Tout comme, en spécialiste du répertoire du XXe siècle, il ne manque pas non plus de souligner la parenté initiale de Turangalîla III avec Ionisation de Varèse.
Couronnée par une jubilation triomphale et extatique, cette Turangalîla resplendit d'amour grâce à un chef et un ONF sur la même longueur d'onde. Et même en quittant le TCE les tympans meurtris, on en redemande !
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 26/10/2005 Yannick MILLON |
| Concert de l'Orchestre national de France sous la direction d'Ingo Metzmacher, avec la participation du pianiste Cédric Tiberghien et de l'ondiste Valérie Hartmann-Claverie au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Karl Amadeus Hartmann (1905-1963)
Symphonie n° 6 (1953)
Olivier Messiaen (1908-1992)
Turangalîla-Symphonie, pour piano, ondes Martenot et grand orchestre (1949)
CĂ©dric Tiberghien, piano
Valérie Hartmann-Claverie, ondes Martenot
Orchestre national de France
direction : Ingo Metzmacher | |
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