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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de Mignon d'Ambroise Thomas dans la mise en scène de Nicolas et sous la direction de Jean-Yves Ossonce au Théâtre du Capitole, Toulouse.
Le pays des fruits d'or du chant
Sophie Koch (Mignon)
Quelle audace que de programmer une oeuvre obsolète, à rebrousse-poil du conformisme ambiant ! Nicolas Joel, patron du Capitole de Toulouse et l'un des prétendants les plus en vue pour la succession de Gerard Mortier à l'Opéra de Paris, signe ce Mignon déjà proposé en 2001. Un Mignon où brille avant tout la radieuse Sophie Koch.
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La reprise de Mignon d'Ambroise Thomas fait à nouveau le plein de spectateurs au Capitole de Toulouse. Jadis, ce fut l'une des oeuvres fétiches des Opéras français, une étonnante donnée plus de mille fois à Paris avec un succès jamais démenti, avant de tomber dans l'oubli. Le livret anecdotique tiré des Années d'apprentissage de Wilhelm Meister de Goethe paraît aujourd'hui bien désuet, bien mièvre.
Pourtant, on se surprend à s'intéresser au destin sensible et dérisoire de la pauvre Mignon, la belle déracinée. Dans sa mise en scène très réaliste et pleine de clins d'œil, Nicolas Joel se joue avec humour de situations et de lieux magiques, et signe un spectacle attrayant et enjoué, grâce notamment aux décors d'Emilio Carcano et aux costumes de Gérard Audier.
Le chef d'orchestre Jean-Yves Ossonce souligne le charme de la partition et ses effets dramatiques. Il bénéficie d'une distribution qui se régale de l'écriture vocale de Thomas. Le ténor Yann Beuron (Wilhelm Meister) gagne de rôle en rôle un peu plus d'épaisseur et l'on retrouve la ravissante soprano colorature américaine Laura Claycomb (Philine). Mais le joyau, c'est Sophie Koch. Celle qui nous ravit dans le compositeur d'Ariane à Naxos de Strauss à l'Opéra de Paris s'épanouit ici à merveille. C'était pour Susan Graham que Nicolas Joel, voilà quatre ans, avait tiré Mignon du placard. L'Américaine était superbe, avec cette grâce, cette joie dont elle est si profondément imprégnée.
Mais Sophie Koch, voix bien placée et caractère déterminé, se love dans la fragilité de l'héroïne, dont elle perce les contradictions énigmatiques, dont elle fait jaillir le mystère dans son air nostalgique du pays où fleurit l'oranger. Au point de se rapprocher de Mélisande. La jeune mezzo qui s'avère l'un des plus grands espoirs du chant français semble désormais prête pour Charlotte de Werther. Décidément toulousaine d'adoption, elle doit revenir cette saison pour Dorabella de Così fan tutte et les Nuits d'été de Berlioz.
Le Capitole est devenu, au fil des ans, la terre d'élection des nouveaux talents. De Roberto Alagna à Ludovic Tézier, sans compter Leontina Vaduva qui en décembre chantera la Veuve Joyeuse, toutes les grandes voix du moment ont d'abord été sacrées par Toulouse, le pays où fleurissent les fruits d'or du chant
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