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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Così fan tutte de Mozart mise en scène par David McVicar et sous la direction de Dietfried Bernet à l'Opéra du Rhin.
Comme deux rochers Ă©clatants
On comptait sans doute trop sur Patrice Chéreau pour régler l'épineuse question de Così fan tutte. Après la relative déception causée par sa mise en scène, le champ restait donc libre pour David McVicar. Dans le décor paradisiaque de Yannis Thovaris, l'enfant terrible du théâtre lyrique a relevé le défi avec esprit et élégance.
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Depuis leur jardin paradisiaque suspendu au-dessus de la baie de Naples, deux jeunes filles contemplent deux imposants rochers surgis de l'azur. Le premier, escarpé, pourrait être Fiordiligi, constante, inaccessible encore, le second, que la brise marine a déjà érodé, sinon policé, se montre plus accueillant, à l'image de Dorabella, plus délurée, plus docile que sa soeur. Et si David McVicar transpose Così dans les toutes dernières années du XIXe siècle, c'est que les femmes, alors, étaient plus corsetées qu'un siècle auparavant, pour que l'explosion des carcans en paraisse d'autant plus dévastatrice – on se serait pourtant bien passé de l'ultime image de ces rochers éclatés, qui alourdit une symbolique jusqu'alors déployée avec légèreté, dans les superbes décors de Yannis Thovaris.
Car avant que de révéler une incontestable réussite théâtrale, ce Così est d'une vertigineuse beauté. Dans ce jardin des délices illuminé de lanternes multicolores, le jeu initié par Don Alfonso se métamorphose en une divine nuit d'ivresse, une sulfureuse moiteur comme perceptible dans le fond de l'air. Mais David McVicar n'oublie jamais de sourire, et même de rire de ces situations, sans jamais sombrer dans la caricature : les personnages de Da Ponte, de Mozart surtout, sont déjà assez typés, colorés pour que le metteur en scène écossais se contente de leur donne vie.
Pour les planches, sa distribution est idéale. Marie McLaughlin et Jason Howard n'ont d'ailleurs pour eux que leurs physiques. Le baryton britannique fait un Alfonso au timbre encore jeune, mais au chant insupportablement passif, las, tandis que la soprano, vocalement indéfendable dès qu'il s'agit de chanter autre chose qu'un récitatif, compose, cigarette au bec, un personnage irrésistible d'abattage, servante revenue de tout, et prête à tout pour qu'on lui graisse la patte.
Elancée, blonde, Henriette Bonde-Hansen est l'image même de la vertu, de la pureté. Et, timbre crémeux et lumineux, son chant se déploie sur une tessiture qui n'est pas tout à fait la sienne avec une frémissante sensibilité. Plus ronde, délicieusement rousse, Deanne Meek est immédiatement plus coquine, tandis que sa voix, sans rien qui la distingue, s'épanouit au fil des scènes. Leurs prétendants sont d'égale prestance. Front court, chevelure noire et drue, physique imposant, et voix d'un beau métal, Franco Pomponi est né pour Guglielmo. De traits plus fins, le Ferrando en aigus éclatants d'Alfred Boe n'en est pas moins viril, parfois au détriment de la ligne.
Autant de qualités individuelles que les ensembles – la clé de Così – rendraient presque vaines. Si les nouveaux couples fonctionnent, les deux soeurs, comme leurs fiancés, ne s'apparient guère, et jusqu'au déséquilibre, aussi bien en terme de couleur que de vibrato. Il est vrai que la direction mécanique de Dietfried Bernet, que ponctue un continuo désespérément sec, les livre trop souvent à eux-mêmes, frôlant la catastrophe au Finale du I, peu aidée par un Orchestre Symphonique de Mulhouse dont le prosaïsme exclut tout mystère des sens.
Un Così assurément plus à voir qu'à entendre.
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