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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Nouvelle production de Così fan tutte de Mozart mise en scène par David McVicar et sous la direction de Dietfried Bernet à l'Opéra du Rhin.

Comme deux rochers Ă©clatants
© Alain Kaiser

On comptait sans doute trop sur Patrice Chéreau pour régler l'épineuse question de Così fan tutte. Après la relative déception causée par sa mise en scène, le champ restait donc libre pour David McVicar. Dans le décor paradisiaque de Yannis Thovaris, l'enfant terrible du théâtre lyrique a relevé le défi avec esprit et élégance.
 

Opéra du Rhin, Strasbourg
Le 11/12/2005
Mehdi MAHDAVI
 



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  • Depuis leur jardin paradisiaque suspendu au-dessus de la baie de Naples, deux jeunes filles contemplent deux imposants rochers surgis de l'azur. Le premier, escarpĂ©, pourrait ĂŞtre Fiordiligi, constante, inaccessible encore, le second, que la brise marine a dĂ©jĂ  Ă©rodĂ©, sinon policĂ©, se montre plus accueillant, Ă  l'image de Dorabella, plus dĂ©lurĂ©e, plus docile que sa soeur. Et si David McVicar transpose Così dans les toutes dernières annĂ©es du XIXe siècle, c'est que les femmes, alors, Ă©taient plus corsetĂ©es qu'un siècle auparavant, pour que l'explosion des carcans en paraisse d'autant plus dĂ©vastatrice – on se serait pourtant bien passĂ© de l'ultime image de ces rochers Ă©clatĂ©s, qui alourdit une symbolique jusqu'alors dĂ©ployĂ©e avec lĂ©gèretĂ©, dans les superbes dĂ©cors de Yannis Thovaris.

    Car avant que de révéler une incontestable réussite théâtrale, ce Così est d'une vertigineuse beauté. Dans ce jardin des délices illuminé de lanternes multicolores, le jeu initié par Don Alfonso se métamorphose en une divine nuit d'ivresse, une sulfureuse moiteur comme perceptible dans le fond de l'air. Mais David McVicar n'oublie jamais de sourire, et même de rire de ces situations, sans jamais sombrer dans la caricature : les personnages de Da Ponte, de Mozart surtout, sont déjà assez typés, colorés pour que le metteur en scène écossais se contente de leur donne vie.

    Pour les planches, sa distribution est idéale. Marie McLaughlin et Jason Howard n'ont d'ailleurs pour eux que leurs physiques. Le baryton britannique fait un Alfonso au timbre encore jeune, mais au chant insupportablement passif, las, tandis que la soprano, vocalement indéfendable dès qu'il s'agit de chanter autre chose qu'un récitatif, compose, cigarette au bec, un personnage irrésistible d'abattage, servante revenue de tout, et prête à tout pour qu'on lui graisse la patte.

    Elancée, blonde, Henriette Bonde-Hansen est l'image même de la vertu, de la pureté. Et, timbre crémeux et lumineux, son chant se déploie sur une tessiture qui n'est pas tout à fait la sienne avec une frémissante sensibilité. Plus ronde, délicieusement rousse, Deanne Meek est immédiatement plus coquine, tandis que sa voix, sans rien qui la distingue, s'épanouit au fil des scènes. Leurs prétendants sont d'égale prestance. Front court, chevelure noire et drue, physique imposant, et voix d'un beau métal, Franco Pomponi est né pour Guglielmo. De traits plus fins, le Ferrando en aigus éclatants d'Alfred Boe n'en est pas moins viril, parfois au détriment de la ligne.

    Autant de qualités individuelles que les ensembles – la clé de Così – rendraient presque vaines. Si les nouveaux couples fonctionnent, les deux soeurs, comme leurs fiancés, ne s'apparient guère, et jusqu'au déséquilibre, aussi bien en terme de couleur que de vibrato. Il est vrai que la direction mécanique de Dietfried Bernet, que ponctue un continuo désespérément sec, les livre trop souvent à eux-mêmes, frôlant la catastrophe au Finale du I, peu aidée par un Orchestre Symphonique de Mulhouse dont le prosaïsme exclut tout mystère des sens.

    Un Così assurément plus à voir qu'à entendre.




    Opéra du Rhin, Strasbourg
    Le 11/12/2005
    Mehdi MAHDAVI

    Nouvelle production de Così fan tutte de Mozart mise en scène par David McVicar et sous la direction de Dietfried Bernet à l'Opéra du Rhin.
    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Così fan tutte, dramma giocoso en deux actes (1790)
    Livret de Lorenzo Da Ponte

    Choeurs de l'Opéra national du Rhin
    Orchestre symphonique de Mulhouse
    direction : Dietfried Bernet
    mise en scène : David McVicar
    décors : Yannis Thavoris
    costumes : Tanya McCallin
    Ă©clairages : Paule Constable
    préparation des choeurs : Michel Capperon

    Avec :
    Henriette Bonde-Hansen (Fiordiligi), Deanne Meek (Dorabella), Franco Pomponi (Guglielmo), Alfred Boe (Ferrando), Marie McLaughlin (Despina), Jason Howard (Don Alfonso).

     


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