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CRITIQUES DE CONCERTS |
22 novembre 2024 |
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Récital du pianiste Jean-Yves Thibaudet au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Pure virtuosité ?
Le pianiste Jean-Yves Thibaudet donnait vendredi dernier un récital au Théâtre des Champs-Élysées. Au programme, les Études symphoniques de Schumann puis les Valses nobles et sentimentales suivies du Gaspard de la Nuit de Maurice Ravel. Un répertoire où ce soir-là , la pure virtuosité l'a parfois emporté sur les intentions musicales.
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C'est par l'Arabesque de Schumann que Jean-Yves Thibaudet démarre son récital, prenant d'emblée un tempo trop rapide. Le jeu est remarquable techniquement mais nerveux, et ses arabesques dénuées de sinuosité ou des courbes mélodiques séduisantes et délicates si typiques de Schumann. Pourtant, les couleurs sont belles, les plans sonores sont tranchés, le timbre est brillant, mais l'essence même de la musique de Schumann, cet univers tantôt intimiste tantôt onirique, semble absent, au profit de la pure virtuosité.
Suivent les Etudes symphoniques où la virtuosité est nettement plus à sa place. Schumann a écrit ses Etudes dans l'esprit d'utiliser toutes les ressources orchestrales du clavier, et l'on ne peut reprocher au pianiste de ne pas en exploiter les couleurs, les dynamiques, les sonorités. Le thème est très bien exposé : condescendant, noble, avec une main gauche parfois tragique et bouillonnante, préfigurant le caractère passionné de Florestan.
Dans la troisième variation en mi majeur, on aime ce caractère de folie passagère que Thibaudet traduit par des changements de climats très abrupts, passant d'une main gauche furieuse à des aigus rêveurs. Une constante que l'on retrouve tout au long de l'oeuvre. Et c'est là que réside la pertinence de son interprétation : celle d'une musique contrastée, renvoyant à l'antagonisme d'Eusébius et Florestan, qu'il met en exergue dans le Finale avec des accords vigoureux et scandés, accompagnés d'une parfaite maîtrise du tempo dans les crescendi qui ne leur donnent que plus d'expression.
Des Ravel peu convaincants
Si le Schumann de Thibaudet éblouit et emporte, ses Ravel sont hélas moins convaincants. Ses Valses n'ont rien de noble ni de sentimental, et manquent cruellement de caractère. On aurait aimé plus de nonchalance dans la mélodie, plus de douceur dans les nuances, moins de contrastes saillants et plus d'unité, bref, un piano plus enveloppant. Mais le pianiste préfère une lecture incisive.
Dans Gaspard de la Nuit, si Ondine manque de souplesse – renvoyant au jeu nerveux ou trop virtuose de l'Arabesque de Schumann – le Gibet est remarquable. Ses accords sonnent tel le glas, glacial, avec des aigus acérés. Reste Scarbo, dont on pouvait se demander si la pure virtuosité allait servir cette pièce titanesque. Oui et non. La musique jaillit, les crescendi sont autant de gerbes sonores. Le leitmotiv de trois notes à la main gauche demeure sombre, avec un diminuendo très bien géré laissant planer le mystère. Mais il donne aussi l'impression de ne pas aller au bout de ses idées. Les forte pourraient être plus assumés, les césures plus franches, les accords plus démoniaques et les arpèges piano plus fondus, telle une lumière diffuse.
Thibaudet n'a finalement pas assez exposé des qualités pourtant bien présentes dans son toucher. Car au final, on reste sur l'impression d'une interprétation un peu timide alors que le jeu parfois trop incisif du pianiste français aurait ici convenu à merveille.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 13/01/2006 Pauline GARAUDE |
| Récital du pianiste Jean-Yves Thibaudet au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Schumann (1810-1856)
Arabesque en ut majeur op. 18
Études symphoniques op. 13
Maurice Ravel (1875-1937)
Valses nobles et sentimentales
Gaspard de la Nuit
Jean-Yves Thibaudet, piano | |
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