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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre de Paris sous la direction d'Esa-Pekka Salonen, avec la participation du violoniste Maxim Vengerov au Théâtre Mogador, Paris.
Entre brume et soleil
Soirée très contrastée dans un Théâtre Mogador comble. Après un Concerto pour violon de Beethoven par Maxim Vengerov embourbé dans une conception brahmsienne, un Oiseau de feu intégral éclatant et d'un jaillissement lumineux continu. L'Orchestre de Paris, en état de grâce, y triomphe sous la baguette d'un Esa-Pekka Salonen en terre de prédilection.
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Dans le milieu musical, une légende tenace demeure, selon laquelle les interprètes spécialisés dans le répertoire du XXe siècle et la création contemporaine seraient de piètres défenseurs de la musique du premier XIXe siècle. C'est à la fois faux et vrai. Faux car un pianiste comme Pierre-Laurent Aimard, grand triomphateur de la Sonate de Berg comme de celles de Boulez, a récemment prouvé qu'il est possible d'éclairer d'une vision sobre et structuraliste l'univers beethovénien sans le dénaturer. Et vrai lorsque l'on peut entendre ce soir un chef comme Esa-Pekka Salonen détourner le Concerto pour violon du même Beethoven en un manifeste brahmsien brumeux, maniaco-dépressif et empêtré dans le rubato.
Gros de trait, postromantique de sonorité et trop ample de respiration, ce Beethoven aux allures de vieillard nostalgique manque d'arêtes vives, d'élan et par-dessus tout de pugnacité dans les tutti. Des tempi étales, d'ineffables pianississimi, des épisodes violonistiques presque à l'arrêt viennent en permanence se heurter à un langage simple, lumineux et vigoureux. Et pourtant, que le violon de Vengerov sait chanter et afficher de sublimes couleurs, que les bois de l'Orchestre de Paris sont habiles dans cet exercice de sfumato !
Un parti-pris magnifiquement défendu, mais trop loin de la lettre beethovénienne pour convaincre – des progressions harmoniques à rythmes répétés qui sombrent dans l'interminable. La saison passée à la même époque, l'approche tout aussi éloignée de l'esprit mais beaucoup plus proche de la lettre de Renaud Capuçon et Roberto Abbado avait laissé une impression bien plus forte que cette lecture asphyxiante.
L'ardeur, la poigne, la vitalité sont ce soir réservées au seul Oiseau de feu de Stravinski. Passée une Introduction hésitante, au rubato à nouveau trop important, Salonen fait prendre à l'animal son envol dans une Danse de l'Oiseau dont les serres fendent la matière orchestrale avec une élégance racée. La machine est lancée, la lumière ne cessera de jaillir de manière continue. Et si, ponctuellement, certains grondements auraient mérité angles plus saillants, l'Orchestre de Paris affiche une excellence à couper le souffle – une Danse infernale menée tambour battant ; un tableau conclusif irradiant de mouvement et d'énergie.
Les bois, en état de grâce, sonnent avec une souplesse et une plasticité exceptionnelles – le hautbois de la Ronde des princesses ; le basson de la Berceuse –, les cordes fusent et n'en peuvent plus de virtuosité – Carillon féérique ; Pommes d'or –, de réactivité à la gestique éclair du chef finlandais – les pizz au milieu de la Danse de Katschei –, qui achève de prouver quel éminent stravinskien il reste, après avoir été, une décennie en arrière, le défenseur d'un Sacre du printemps absolument détonant et décapant.
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Théâtre Mogador, Paris Le 09/03/2006 Yannick MILLON |
| Concert de l'Orchestre de Paris sous la direction d'Esa-Pekka Salonen, avec la participation du violoniste Maxim Vengerov au Théâtre Mogador, Paris. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 61
Maxim Vengerov, violon
Igor Stravinski (1882-1971)
L'Oiseau de feu, ballet intégral
Version originale de 1910
Orchestre de Paris
direction : Esa-Pekka Salonen | |
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