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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise d'Haÿdée ou le secret d'Auber dans la mise en scène de Pierre Jourdan et sous la direction de Michel Swierczewski au Théâtre impérial de Compiègne.
Les trompettes d'Haÿdée
Reprise de la production donnée in situ en novembre 2004, l'opéra-comique d'Auber, Haydée ou le secret, nous transporte dans une Venise fantasmée, prétexte à une intrigue à la fois dramatique et légère, menée très efficacement par la plume experte de Scribe qui s'inspira d'une nouvelle russe traduite par Mérimée.
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Créée à la salle Favart le 28 décembre 1847, Haÿdée, l'une des meilleures partitions d'un compositeur très prolifique (pas moins de 37 opéra-comiques et 10 opéras « sérieux »), connut un succès retentissant – avec pas moins de 499 représentations – qui le conduisit à traverser les frontières (en Italie et en Allemagne notamment où l'opéra connut une véritable consécration à Kassel et à Munich), avant de sombrer dans un oubli aussi long qu'immérité.
L'amiral Lorédan, pressenti pour devenir le prochain doge de Venise suite à la victoire contre les Turcs, est pris de remords parce qu'il a sauvé sa fortune au jeu en ruinant son meilleur ami ; le jaloux et présomptueux Malipieri apprend la supercherie au cours d'une étourdissante scène de somnambulisme, l'un des moments les plus dramatiques de l'opéra, et tente de s'imposer. Haÿdée, une belle esclave orientale – qui se révèlera fille d'un prince chypriote –, amoureuse de Lorédan, se sacrifie pour sauver l'amiral en s'offrant à Malipieri. Ce dernier est finalement tué en duel à la fin de l'opéra par Andrea Donato, le fils de l'ami ruiné, et Lorédan peut ainsi devenir doge.
L'opéra regorge d'airs et d'ensembles d'une grande variété, et nous rappelle qu'Auber fut l'un des créateurs du Grand Opéra à la française avec La muette de Portici. D'emblée, la musique séduit, avec une ouverture qui contient, comme autant de leitmotive, trois thèmes de l'opéra ; on citera aussitôt après l'introduction avec choeur et solo de Lorédan (Enfants de la noble Venise) des barcarolles et airs de matelot (Glisse ô ma gondole ou C'est la corvette leste et coquette, reprise avec un choeur tout en murmures à l'effet saisissant), le bel air de sommeil qui précède la scène de somnambulisme (C'est la fête au Lido), tandis qu'à Haÿdée échoit des airs d'une grande tension dramatique.
Des ensembles de facture rossinienne
Le pittoresque n'est pas absent de la partition – c'est un des éléments structurels de l'opéra comique : on se souvient encore, dans ces mêmes lieux, de la chèvre protagoniste du Pardon de Ploërmel de Meyerbeer –, avec une très évocatrice symphonie marine, au début de l'acte II, suggérant le combat naval des Vénitiens contre les Turcs et donnant lieu à une succession d'airs et d'ensembles martiaux, de facture très rossinienne.
La distribution est dans l'ensemble d'une remarquable homogénéité, avec une mention spéciale pour Isabelle Philippe, habituée des lieux, dans le périlleux rôle-titre. Bruno Comparetti est un Lorédan au timbre vaillant et clair, tout comme Mathias Vidal, Donato très crédible. La basse Paul Médioni allie à un timbre idoine une réelle présence scénique, tout à fait conforme à la cruauté de Malipieri.
Toute cette équipe engagée dans la réhabilitation de ce répertoire est accompagnée par un Orchestre Français Albéric Magnard au bel engagement, sous la conduite de Michel Swierczewski, dans une mise en scène sobre et toujours juste de Pierre Jourdan. Enfin, on signalera l'élégance des décors d'André Brasilier.
L'intérieur d'un palais vénitien au premier acte rappelant, avec ses perspectives obliques et fuyantes, le travail d'un Bibbiena, le pont d'un vaisseau-amiral au second acte avec un décor maritime laissant découvrir peu à peu la lagune vénitienne, pour laisser la place, au dernier acte, à une salle du trône offrant la perspective de l'église de la Salute : tout cela concourt à la réussite d'une représentation placée sous le signe du raffinement et de la légèreté, traits distinctifs d'un compositeur injustement méconnu.
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