|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
|
Nouvelle production de la Clémence de Titus de Mozart mise en scène par Chas Rader-Shieber et sous la direction de Bernard Labadie à l'Opéra de Montréal.
Triomphe clément
En cette période trouble pour la maison, le directeur artistique de l'Opéra de Montréal réaffirme la pertinence de sa vision en présentant au public l'ultime chef-d'oeuvre lyrique de Mozart dans un spectacle de facture classique ayant fait les belles soirées du festival de Santa Fe, et avec une distribution de très belle tenue.
|
Salle Wilfrid Pelletier, Place des Arts, Montréal
Le 11/03/2006
Renaud LORANGER
|
|
|
|
Bons baisers d’Eltsine
RĂ©gal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
[ Tous les concerts ]
|
La presse locale aura suffisamment fait écho aux problèmes financiers qui affligent actuellement l'Opéra : annulation pure et simple, cet hiver, du doublé Oedipus Rex/Symphonie de psaumes (Stravinski) en location de Toronto, saison minceur pour 2006-2007, repli sur des valeurs sûres en ce qui a trait au répertoire (la Traviata, Don Giovanni
), absence de grand noms à l'affiche. Au pessimisme, opposons l'accomplissement artistique : Bernard Labadie tient, avec l'introduction de cette Clémence au répertoire du théâtre, l'une des cartes maîtresses de son jeune règne montréalais.
En cette année jubilaire et à l'ombre des Nozze, Così et autres Zauberflöte, la Clémence de Titus pourrait paraître laissée pour compte. Une analyse légèrement plus poussée de la situation prouve qu'il n'en est rien, que l'on songe seulement aux récentes productions parisienne (Hermann), aixoise (Hemleb), salzbourgeoise (Kusej), ou encore à une beaucoup trop rare reprise de l'ouvrage sur la scène du Metropolitan (Ponnelle), au printemps dernier, portée par une Anne-Sofie von Otter en état de grâce.
Campée dans des décors et costumes classiques, la vision élaborée par Chas Rader-Shieber et ses collègues a le mérite d'une lisibilité et d'une efficacité certaines, et le défaut de ne pas s'engager suffisamment dans une voie ou dans l'autre. Belle et bien réalisée, la lecture du jeune metteur en scène américain semble néanmoins éviter le parti pris, s'arrêtant au carrefour d'une sensualité timide et d'une cérébralité platonique.
Sur le plan vocal, on saluera la superbe Vitellia d'Emma Bell, projetant avec panache et autorité, remarquablement à l'aise sur la tessiture cruelle du rôle, quelques menues limites entrevues aux deux extrêmes vite rachetées par les moirures d'un haut-médium tout désigné au chant extatique des reines handéliennes qui font sa réputation.
Frédéric Antoun, remplaçant l'Américain Anthony Dean Griffey, réserve une surprise de taille à un public l'ayant entendu jusqu'ici dans un répertoire de ténor essentiellement lyrique léger. La voix n'est pas énorme, mais le chant est stylé, la virtuosité assurée, le récitatif plein de sève. La composition se révèle de la meilleure recherche : son Titus déconcerte et ravit tout à la fois, idéaliste, doux, poète, voire quelque peu fleur bleue, et définitivement à l'étroit dans les chaussures inconfortables qui sont les siennes.
À ses débuts in loco, Monica Groop déçoit plus par la blancheur d'une caractérisation hypothétique que par une prestation vocale somme toute vaillante, faisant regretter l'emblématique Pèlerin qu'elle incarnait dans l'Amour de loin de sa compatriote Kaija Saariaho. Rendues anecdotiques par l'immensité et la pauvreté du vaisseau acoustique auxquelles elles ont affaire, les contributions d'Hélène Guilmette, Joshua Hopkins et Julie Boulianne se heurtent malheureusement à la difficulté de monter une telle oeuvre dans une salle comme Wilfrid-Pelletier, et apparaissent le plus souvent sous dimensionnées.
Instigateur premier de la tenue – et de la réussite – de ce spectacle, Bernard Labadie anime ses Violons du Roy avec une conviction et une éloquence réconfortantes, célébrant une partition qu'il affectionne manifestement. Puisse-t-il retrouver rapidement les moyens de ses ambitions !
| | |
| | |
|